A l’heure où les inégalités sont grandissantes et les ressources naturelles en voie de raréfaction, il est parfois honteux de dire qu’on aime la mode, par définition éphémère, ou le luxe, dont les excès sont régulièrement dénoncés. Pourtant, l’industrie a, dans son ensemble, entrepris une vaste transformation de son mode de production afin de répondre aux nouveaux objectifs environnementaux.
En février dernier, Brune Poirson, l’ancienne Secrétaire d’Etat auprès de la ministre de la Transition écologique et solidaire déclarait à l’antenne de Sud Radio que l’industrie était la deuxième industrie la plus polluante au monde. Une information pourtant démentie par le Journal du Dimanche du 24 février dernier et son service de Fact-checking : en menant l’enquête, la journaliste s’est rendue compte que ce «classement», relayé également par le pourtant très sérieux journal britannique The Guardian, n’existait pas.
Il faut en fait distinguer la consommation, souvent éphémère de vêtements de prêt à porter, des objets de qualité, ou de luxe, souvent plus chers, et qui sont voués à durer. Une distinction importante : plus de 56,7% des consommateurs français de luxe estiment que « luxe et développement durable sont contradictoires». Cependant, « ce sont ceux qui voient dans le luxe un niveau de qualité exceptionnel qui perçoivent le moins cette contradiction» (48,2%).
S’il est vrai que l’emballage ou l’acheminement des matériaux ou des vêtements émettent une trop grande quantité de carbone et que la « fast-fashion », qui repose essentiellement sur «la consommation récurrente et sur l’achat compulsif » peut constituer un véritable problème de gaspillage (vêtements achetés mais non utilisés etc.), de nombreuses entreprises ont déjà modifié en profondeur leurs usages afin de répondre aux nouvelles exigences environnementales.
Antoine Arnault « il faut tirer un trait sur ce cliché du monde du luxe »
Trente-deux entreprises de la mode ont signé l’an passé le Fashion Pact qui entend limiter l’impact du secteur sur le climat, la biodiversité et les océans. « Je crois qu’il faut tirer un trait sur ce cliché du monde du luxe qui serait une industrie submergée d’invendus, affirme Antoine Arnault, administrateur de LVMH. En réalité, nous sommes proches du zéro invendu chez LVMH, que ce soit dans les grosses ou les plus petites maisons. Plus largement, pour remettre l’église au milieu du village, notre groupe émet moins de 1% de l’empreinte carbone d’un groupe automobile de taille moyenne, notre empreinte globale représente moins de 0,5 % de celle de l’industrie de la mode. »
Dans le secteur de la mode, le segment du luxe se distingue notamment par la rareté et la durabilité de ses produits. « Quand on consomme du luxe, on est éco-responsables : ce sont de toutes petites séries qui sont produites, ce sont des produits qui sont fabriqués de façon artisanale et qui sont extrêmement durables », rappelle Antoine Arnault.
Locations, échanges, abonnements, upcycling
Ces produits sont en effet fabriqués en petites quantités, souvent à la main, ils entretiennent donc un artisanat local de qualité et un savoir-faire éprouvé. Enfin, ils sont faits pour durer car ils s’inscrivent généralement dans une tradition qui traverse le temps, contrairement aux objets de mode à l’obsolescence programmée.
La fast fashion à l’inverse est rapidement consommée et rapidement jetée, que l’on pense par exemple à la production de tee-shirts en coton ou de jeans, grande consommatrice d’eau. La production de vêtements aurait même doublé en quinze ans, si l’on en croit un rapport de la fondation Ellen MacArthur. L’industrie en est consciente et tente aujourd’hui de fabriquer des vêtements plus durables, et qui n’émettent pas de microplastiques, histoire de transformer ces nouvelles exigences en opportunités de développement.
Généraliser le cuir fabriqué à partir de cellules animales ou biologiques, utiliser de l’or recyclé ou en provenance de mines dont les processus d’extraction sont non-polluants. Ou encore privilégier de nouveaux modes de consommation : locations de vêtements, échanges, abonnements, ou encore upcycling.