Lancée par l’association Ennocence, la plateforme « BalanceTonSite » doit permettre à tous les citoyens de signaler les contenus inappropriés et dangereux pour les enfants sur le web. Une initiative bienvenue, à l’heure où le gouvernement peine à trouver des solutions efficaces.
On attendait une mesure audacieuse, on aura finalement eu droit à du réchauffé. Fin avril, la ministre de la Culture, Françoise Nyssen, a en effet proposé de mettre en place une liste noire des sites de streaming illégaux, afin de lutter contre ce qu’elle appelle le « hold-up du siècle », à savoir le piratage. Selon l’Association de lutte contre la piraterie audiovisuelle (Alpa), le piratage audiovisuel représente un manque à gagner de 1,4 milliard d’euros par an en France. D’où un certain sentiment d’urgence chez les ayants droit.
Seulement, en proposant de dresser « une liste noire actualisée en permanence » pour faire disparaître les sites illégaux, la ministre ne fait que reprendre une idée déjà évoquée sous François Hollande et Nicolas Sarkozy, comme le rappelle le site d’information ZDNet.
En 2014, Fleur Pellerin avait en effet souhaité que la Hadopi « établisse une liste noire de sites accusés de contrefaçon ». Un vœu pieux qui n’avait déjà rien d’original à l’époque, Frédéric Mitterrand ayant appelé la Hadopi à « traquer le streaming illégal » dès 2011.
Les enfants exposés à « tous types de contenus »
Problème : sur ces sites, les enfants — qui raffolent de streaming — sont exposés à « tous types de contenus », via des publicités et bannières envahissantes : « images et vidéos pornographiques, jeux addictifs, invitation à un chat, escroquerie, fishing, harcèlement »… Selon une étude menée par l’association Ennocence, « la première exposition à ces contenus se fait de plus en plus tôt (10 ans en moyenne en 2017) et moins d’un parent sur deux sait ce que fait son enfant sur internet ».
D’après Marion Haza, psychologue experte auprès de l’Observatoire de la parentalité et de l’éducation numérique, « être confronté à de telles images avant que la sexualité soit présente psychiquement peut créer des troubles (anxiété, troubles du sommeil), sur le moment ou plus tard, car les enfants en ressentent de la culpabilité ».
Ainsi, face à la panne d’inspiration gouvernementale pour mettre fin à ce fléau, Ennocence a décidé de mettre à la disposition du ministère, la liste des sites de streaming et de téléchargement illégaux signalés sur la plateforme BalanceTonSite, qu’elle a lancée le 1er juin.
« La passivité des acteurs du web, qui refusent la plupart du temps de déréférencer ou bloquer l’accès aux sites de streaming et de téléchargement illégaux, a marqué notre volonté d’agir. Grâce àBalanceTonSite, les parents pourront enfin signaler l’ensemble des contenus malveillants et dangereux sur lesquels sont tombés leurs enfants. Cette plateforme permettra de nourrir nos actions en justice, avec pour objectif une évolution de la loi permettant de mieux protéger les plus jeunes face aux dangers du web », affirmait Gordon Choisel, le président de l’association, lors du lancement de BalanceTonSite.
Des moyens « significativement plus puissants »
La création de la plateforme BalanceTonSite s’inscrit dans une stratégie initiée par l’association en 2015, qui vise à sensibiliser et mobiliser les pouvoirs publics ainsi que les différents acteurs du numérique. En parallèle du lancement de BalanceTonSite, l’association a révélé avoir déjà mené plusieurs actions en justice à l’encontre de divers acteurs impliqués dans la prolifération du streaming illégal, et non pas sans résultats.
« Devant l’absence d’outils juridiques spécifiques, il a été décidé de s’attaquer aux écosystèmes économiques des sites dénoncés : régies publicitaires, hébergeurs, moteurs de recherche et annonceurs des publicités. Ces premières actions ont porté leurs fruits puisque, dans une affaire (site Anime Stream), l’annonceur a accepté de retirer son contenu dès réception de la lettre de mise en demeure », peut-on lire sur le site de l’association.
Pour Gordon Choisel, « ces réussites isolées révèlent qu’il est possible de lutter avec efficacité, mais qu’il faut permettre à la justice de se doter de moyens significativement plus puissants pour éradiquer ce fléau de manière efficace ». Reste désormais à savoir si ce dernier sera entendu.