L’enseigne de parfums et de cosmétiques du groupe LVMH a fait du numérique et du tout mobile les axes stratégiques de son développement. Une transition digitale portée au plus haut niveau du groupe et initiée aux États-Unis avant d’être déclinée sur le Vieux continent.
Quand la technologie se met au service de la beauté. Numéro un mondial du luxe, le groupe LVMH, propriété du milliardaire français Bernard Arnault, ne domine pas son secteur d’activité que par l’étendue de son portefeuille de maisons de couture et de haute joaillerie, auxquelles s’est en cette fin d’année ajouté le bijoutier américain Tiffany.
Le géant du luxe est également actif dans la distribution sélective, domaine qui lui a rapporté, en 2018, 13,6 milliards d’euros de chiffre d’affaires. Il s’agit là du deuxième secteur le plus lucratif pour le groupe français qui, à côté des institutions parisiennes que sont Le Bon Marché ou la future Samaritaine, peut compter sur le dynamisme de ses enseignes Sephora.
Fort de plus de 2 500 points de vente présents dans 34 pays, proposant quelque 15 000 références issues de 300 marques, « Sephora est aujourd’hui le premier distributeur sélectif au monde de parfums et cosmétiques, avec des magasins répartis sur une bonne partie de la planète, en Asie, au Moyen-Orient, en Europe et aux États-Unis » — pays où l’entreprise dispose de près de 500 magasins en propre et de 700 points de vente au sein des grands magasins JC Penney —, se félicite ainsi Bernard Arnault. Particulièrement impliqué dans la transition digitale de son entreprise, le PDG et fondateur de LVMH a justement fait des États-Unis, qui demeurent le premier marché de Sephora, un véritable laboratoire d’innovation afin d’adapter ses magasins et ses produits aux nouveaux codes du numérique.
Sephora, enseigne pionnière du phygital
La conversion numérique de Sephora ne date pas d’hier. Véritable pionnière digitale, l’enseigne de parfums et cosmétiques a en effet lancé son site Web dès 1999 et n’a cessé, depuis, d’évoluer pour toujours mieux répondre aux attentes de ses clients. Dans le cadre de sa stratégie e-commerce ATAWAD (At Any Time, Any Where on Any Device), Sephora s’est ainsi, et avant tous ses concurrents, convertie au « phygital », lançant dès 2012 l’application mobile « My Sephora », qui permet à ses vendeurs et conseillers beauté de disposer de toutes les informations nécessaires sur leurs clients. Le début, avant l’heure, de l’ère de l’hyper-personnalisation. L’enseigne, dirigée de main de maître par Christopher de Lapuente, ayant bien intégré qu’une cliente multicanale (c’est à dire avec plusieurs « canaux » de contact, comme son smartphone, son adresse mail…) représente une valeur supérieure.
Créée en 1973, la marque Sephora est rachetée en 1997 par le groupe LVMH. À sa tête, Bernard Arnault fait le pari de l’Amérique dès 1999 pour sa nouvelle chaine de magasins de cosmétique. Et contre la plupart des pronostics à l’époque, l’implantation de Sephora outre-Atlantique est un énorme succès. Cette expansion internationale de la marque fait rapidement de Sephora l’une des locomotives économiques du groupe LVMH.
Alors qu’au niveau mondial, huit produits de beauté sur dix sont encore vendus en magasins physiques, la marge de progression de l’e-commerce représente une source de croissance exceptionnelle pour le secteur de la beauté. C’est pour cette raison que Sephora US a choisi de placer le mobile au cœur de sa stratégie marketing, en développant notamment une « in-store companion application » qui envoie régulièrement des notifications à ses utilisateurs afin de les inciter à venir en magasin.
S’appuyant sur un dispositif de géotracking, l’appli propose des réductions, nouveautés, ateliers tuto beauté et évènements qui se déroulent bientôt dans les points de vente proches de ses utilisateurs. In fine, c’est toute une communauté de clients fidèles qui se constitue, renforçant auprès de ces derniers l’impression que Sephora reste une entreprise proche de ses clients — une idée encore accentuée par le fait que l’entreprise refuse de collaborer avec Amazon et consort, conservant ainsi un lien direct avec ses clients et gardant la maîtrise de leurs précieuses données.
Les États-Unis, véritable laboratoire d’innovation numérique
Dans la droite ligne de sa stratégie digitale, l’enseigne a très logiquement choisi la très technologique San Francisco et sa Silicon Valley pour y implanter son « Sephora Innovation Lab », qui vise à transformer ses magasins en lieux de vie tournés vers l’avenir, ainsi que son incubateur de jeunes marques de cosmétiques, « Kendo ». Lancé en 2010, Kendo est notamment à l’origine du succès de la ligne Fenty Beauty, développée en collaboration avec la chanteuse Rihanna, et qui figure aujourd’hui dans le Top 5 des marques de beauté les plus influentes au monde, selon le magazine Forbes. Autant de prouesses qui ne restent pas, loin s’en faut, cantonnées au seul territoire américain : une fois ces innovations validées outre-Atlantique, les meilleures d’entre-elles sont déclinées dans le monde entier.
En s’inspirant de son expérience aux États-Unis, Sephora a ainsi développé sur le Vieux continent un nouveau concept de boutiques connectées, baptisé « New Sephora Experience » et centré autour du « Beauty Hub », une sorte de « bar à beauté » placé au cœur du magasin. En France, c’est à l’immense flagship des Champs-Elysées et au sein du magasin niché dans le centre commercial de La Défense, le deuxième vaisseau amiral de l’entreprise dans l’Hexagone, que les consommateurs peuvent découvrir ces espaces plus intuitifs et ludiques venus d’Amérique ; et s’initier, tout en fluidité, à l’ultra-personnalisation permise par la « BeautyTech » made in Sephora.
Dans le domaine du cosmétique, le pari américain tenté par Bernard Arnault après le rachat de Sephora s’est donc avéré particulièrement gagnant, les magasins aux États-Unis se muant en véritable pôles d’innovation pour l’ensemble de la marque. Car la force de Sephora aujourd’hui réside bien dans cette implication particulièrement forte dans le digital.