Le 13 février dernier, une « consultation citoyenne » a été ouverte pour recenser les attentes des Parisiens pour redynamiser les Champs Élysées. Mais si « la plus belle avenue du Monde » a besoin d’un sérieux lifting, gare aux projets qui risquent de nous être proposés en échange.
« Mobilités douces », « végétalisation », « élargissement des trottoirs »… Tous les poncifs de l’« architecturalement correct » ont été soigneusement choisis. À l’occasion l’ouverture de l’exposition « Réenchanter les Champs-Élysées » organisée au Pavillon de l’Arsenal à Paris jusqu’au 10 mai prochain, les Parisiens sont invités à s’exprimer sur le réaménagement de l’avenue et de ses deux places emblématiques (Étoile et Concorde). Et les premières ébauches proposées ne sont guères rassurantes.
Pourtant, il y a urgence : sur les 100 000 visiteurs quotidiens, seuls 5 % sont parisiens. Et l’avenue n’est clairement pas dans le cœur des habitants de la capitale. Envahie de visiteurs étrangers, sans habitant, froide et désincarnée, on a peine à imaginer que la plus belle avenue du monde ait pu inspirer une chanson romantique et inspirée à Joe Dassin en 1969. Si le « haut » de l’avenue se caractérise par sa profusion de boutiques de souvenirs et de luxe, le « bas » des Champs-Élysées représente — on l’avait oublié — un jardin de 24 hectares, quasiment vide et mal fréquenté.
Comment expliquer cette situation ? Pourquoi les Parisiens ont-ils quitté les champs ? Dans son éditorial du Monde, Michel Guerrin pointe du doigt l’attractivité touristique, poule aux œufs d’or qui a transformé l’avenue en « mélange rare de mondialisation chic et populaire » où se côtoient boutiques de luxe pour touristes fortunés et boutiques de souvenirs bons marché. Résultat ? Les cinémas, les restaurants, les boîtes de nuit ont progressivement fermé leur porte, au profit des magasins de vêtements pour la clientèle étrangère. « Le tourisme détruit la culture, fragilise les sites et le patrimoine, fait fuir les habitants et les commerces de proximité, et insupporte ceux qui restent » conclut le journaliste.
Des projets écologistes jusqu’à la caricature
Mais en voulant rénover les Champs-Élysées, le remède ne risque-t-il pas d’être pire que le mal ? Les premières images du projet diffusées sur les réseaux sociaux sont pour le moins inquiétantes. Un sentiment désagréable de « déjà vu », comme tous ces projets de rénovations promis dans la capitale depuis 20 ans dont l’essentiel repose sur deux idées simplistes : plus d’arbres, plus de place pour les piétons. Le tout appuyé sur des images de synthèses sympathiques, mais absolument pas réalistes, avec une nature verdoyante (pour ne pas dire luxuriante) quand la réalité du cycle des saisons offre aux arbres parisiens une teinte brunâtre les deux tiers de l’année.
Place de la Concorde : des beaux projets… En image de synthèse, en plein printemps, avec des rues propres, un végétation verdoyante…
Mais sinon en vrai, ca va donner quoi ? 😄https://t.co/X9FbU6ONXr
— Métropolitaine (@Metropolitaine_) February 13, 2020
Le pire étant le sort prévu pour les deux places emblématiques de la ville, l’Étoile et la Concorde : deux lieux historiques, bâtis autour de la pierre, qui devraient être transformés en places quelconques, aux arbres défraîchis les deux tiers de l’année, balayés par les vents et par la déambulation de touristes hagards. Un patrimoine architectural incarné par l’Arc de Triomphe, l’Obélisque ou l’hôtel de la Marine, masqués par une poignée de peupliers. Triste destinée.
Car Paris reste une ville minérale, et vouloir transformer la capitale en espace vert géant n’est pas seulement démagogique, coûteux et difficilement réalisable. C’est aussi défigurer une capitale haussmannienne où la pierre de taille fait le charme de nos avenues et de nos ruelles depuis des décennies. Les touristes étrangers, d’ailleurs, ne viennent pas visiter Paris pour ses quelques arbres et ses bosquets, mais bien pour son ensemble architectural cohérent et unique au monde.
Allons plus loin : des espaces verts, la ville en est dotée : mais qui ose encore passer ses week-ends dans le bois de Boulogne ? Si certains parcs intra-muros comme Monceau ou les jardins du Luxembourg arrivent à tirer leur épingle du jeu, la plupart sont aujourd’hui à l’abandon, faute d’entretien et d’une sécurité suffisante.
Optimiser les espaces verts là où ils existent déjà, ne pas dénaturer nos lieux emblématiques, et accepter tout simplement que les Champs-Élysées soient devenus un site essentiellement destiné aux touristes.