Le Kamasutra est plus qu’un simple recueil érotique. Si ce traité écrit au IIIe siècle de notre ère fait encore l’objet de commentaires et d’études, ce n’est pas pour rien. Le Professeur émérite d’histoire des religions à l’université de Chicago, Wendy Doniger, alerte sur le fait que cet ouvrage assez unique en son genre, et mondialement connu est paradoxalement de plus en plus méprisé dans son pays d’origine, l’Inde. De nombreux hindous, le considèrent comme un sujet de honte nationale.
Pour Wendy Doniger, le Kamasutra doit regagner ses lettres de noblesse. Il ne faut pas oublier, que cet ouvrage rédigé en sanskrit ne représente pas seulement un obscur recueil dédié à la « gaudriole », et trônant dans les bibliothèques sordides. C’est tout d’abord, un authentique document historique, qui rappelle une nouvelle fois, que certains sujets qui nous apparaissent modernes, ont déjà fait l’objet de débats et d’études. A ce titre, le Kamasutra peut selon Wendy Doniger, s’étudier comme le récit d’une guerre morale et intellectuelle, qui s’est déroulée en Inde, voici près de 2 000 ans, contre la loi religieuse.
Il apparaît alors, comme un traité fondamentalement moderne, qui veut distinguer le plaisir érotique de la seule fonction biologique de reproduction, et ménager à l’érotisme un refuge contre la sauvagerie du désir sexuel sans contrôle. Il faut noter aussi par exemple, qu’il ne retient aucun préjugé sur l’homosexualité masculine.
C’est d’ailleurs, certainement ces aspects libertaires qui ont valu à ces textes pourtant connus dans l’Inde ancienne jusqu’à la fin de l’Empire Moghol, au XIXe siècle, de rester dans l’ombre et d’être peu évoqué. Pire, quand c’est le cas, c’est l’occasion pour les nationalistes hindous aujourd’hui très influents de voir en lui, uniquement un objet obscène promu par l’Occident, ou un héritage des sultans moghols dépravés. En fait, c’est justement l’administration britannique victorienne très prude, qui la première l’a condamné. De plus, il est bien antérieur aux empereurs musulmans.
Ce ne sera pas la première fois, que les censeurs s’autoriseront à refaire l’histoire, pour qu’elle coïncide avec leurs préjugés.
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