Chaque secteur a connu son #MeToo et cherche désormais ses thérapies de choc. Pour aider le milieu culturel à atteindre cet objectif, la commission d’enquête de l’Assemblée nationale sur les violences sexuelles a publié mercredi une série de recommandations. Elle propose notamment d’interdire la sexualisation des mineurs à l’écran et de réglementer les castings, le travail des enfants acteurs ainsi que les scènes d’intimité dans les films.
Après six mois d’auditions et de travaux, la commission d’enquête de l’Assemblée nationale sur les violences sexuelles dans la culture a publié mercredi son rapport tant attendu. Elle dénonce dans ce document volumineux les « dérives » et le silence dans le milieu artistique, au nom de l’adoration du génie créateur. La commission a exhorté les autorités à passer à l’action pour freiner « la machine à broyer les talents ».
Un rapport pour ponctuer #MeToo
Ce rapport parlementaire a été co-produit par les députés centriste Erwan Balanant et écologiste Sandrine Rousseau. Les deux élus ont dû interroger quelque 350 personnalités, dont des stars du cinéma comme Jean Dujardin, Juliette Binoche et Judith Godrèche, l’actrice à l’initiative début 2024 de la mise en place de cette commission. Lors de la présentation du rapport mercredi, Erwan Balanant a déclaré que « ce moment est la fin du premier acte », mais que « ce n’est pas la fin de la pièce ». Il a également indiqué que ce moment est celui « où nous posons sur la table, nous mettons à l’agenda de notre société un certain nombre de propositions ».
Des violences « systémiques » et « endémiques » dans la culture
Le rapport de la commission d’enquête pointe des en particulier les violences « systémiques » et « endémiques » dans la culture. Il décrit un état des lieux sombre d’un secteur où le « culte absolu de l’auteur » autoriserait toutes les dérives. En particulier les violences morales, sexistes, sexuelles, physiques et parfois économiques. La présidente de la commission d’enquête, Sandrine Rousseau, a aussi fustigé « l’omerta » et la « complaisance avec celles et ceux qui commettent les violences ». Elle a en outre appelé à passer à l’action pour freiner cette « machine à broyer les talents ».
Interdire la sexualisation des mineurs
Pour mettre fin à ces dérives, la commission a livré 86 recommandations. Elle appelle notamment à interdire la sexualisation des mineurs à l’écran et dans les photos de mode, à réglementer les castings, un « lieu de tous les dangers », en imposant que ces tests se tiennent dans des locaux professionnels, mais aussi à exclure les scènes dénudées. Par ailleurs, Erwan Balanant et Sandrine Rousseau déplorent que les directeurs de casting et les agents artistiques soient encore trop nombreux « à profiter de l’extrême vulnérabilité (des acteurs et actrices) pour obtenir, de gré ou de force, des faveurs sexuelles ».
Encadrer davantage les scènes d’intimité chez les acteurs adultes
Les députés recommandent en outre d’étendre la présence obligatoire d’un responsable des enfants à toutes les productions artistiques. Cette mesure s’impose d’autant que la présence de référents mineurs sur les tournages était encore facultative en France jusqu’à très récemment. Pour les majeurs, les députés conseillent d’encadrer les scènes d’intimité en imposant des clauses détaillées au contrat et la possibilité pour les acteurs d’avoir recours à un coordinateur dédié et formé. Cette profession n’est pas encore répandue en France.
Sanctuariser les mesures pour ne pas que le mouvement #MeToo ne tombe dans l’oubli
Si ces actions relèvent de la responsabilité de la filière culturelle, la commission d’enquête souhaiterait que les pouvoirs publics et le législateur s’en emparent également. À titre personnel, Erwan Balanant a annoncé une prochaine proposition de loi pour sanctuariser ces mesures et mieux protéger les comédiens. Cela permettra également d’éviter que le mouvement #MeToo ne tombe dans l’oubli.
La vague #MeToo déclenchée après l’affaire Harvey Weinstein
Pour rappel, la vague #MeToo a été déclenché en 2017 avec l’affaire Harvey Weinstein, un influent producteur hollywoodien qui utilisait sa position pour obtenir des faveurs sexuelles auprès des actrices. Après ces révélations, la parole s’est totalement libérée dans le monde entier. Plusieurs femmes, célèbres ou non, ont raconté avoir été violées par des réalisateurs, des producteurs, des artistes, des sportifs, etc. Mais la réponse judiciaire n’a toujours pas été à la hauteur de cette révolution sociale.