Cibles privilégiées des industriels de la junk food sur les réseaux sociaux, les enfants et adolescents sont particulièrement vulnérables face aux stratégies marketing des annonceurs. Pour enrayer l’épidémie mondiale d’obésité, plusieurs stratégies co-existent, sans toujours parvenir à faire la démonstration de leur pertinence ni de leur efficacité à long terme. Tour d’horizon des pistes explorées pour tenter de lutter contre les ravages de la malbouffe sur les consommateurs.
C’est la dernière tendance sur TikTok, et elle ne va pas améliorer l’image du réseau social chez les parents de ses – jeunes – usagers : les enfants et adolescents présents sur la plateforme y seraient surexposés à la malbouffe. C’est en tout cas la conclusion d’une vaste enquête publiée l’été dernier par des chercheurs dans la revue BMJ Global Health, chercheurs selon lesquels les jeunes TikTokers seraient particulièrement visés par les industriels faisant, plus ou moins ouvertement, la promotion de leurs produits trop gras, trop sucrés ou trop salés. Des techniques publicitaires insidieuses qui « transforment les utilisateurs en ambassadeurs non officiels » des marques de junk food, selon les auteurs de l’étude, qui estiment que « la portée de ce marketing d’influence est préoccupante ». « La popularité croissante de TikTok appelle (…) à de nouvelles recherches sur son impact potentiel sur la santé publique », concluent les chercheurs.
Le rôle joué par Internet et les réseaux sociaux dans la prévalence des mauvais comportements alimentaires menant au surpoids et à l’obésité n’est pas nouveau. Plus tôt cette année, une autre étude américaine avait démontré l’influence délétère que les influenceurs et autres célébrités d’Instagram pouvaient exercer sur leurs centaines de milliers d’abonnés. Ses auteurs démontraient, là aussi, que les snacks, sucreries et boissons alcoolisées étaient sur-représentés sur les comptes des personnalités les plus suivies sur les réseaux sociaux, allant même jusqu’à parler de « problème socioculturel » global, « qui va au-delà des publicités ». Un problème qui est désormais loin de se cantonner à la sphère virtuelle : avec près d’un Français sur deux (47%) en situation de surpoids ou d’obésité, plus de 3,5 millions de personnes diabétiques et 140 000 décès annuels dus, dans l’Hexagone, à une maladie cardiovasculaire, la malbouffe n’est plus un phénomène réservé aux seules middle class américaines.
Étiquetage alimentaire, interdiction de la publicité, taxation de la malbouffe… : quelles solutions contre ce « tsunami sanitaire » ?
Les scientifiques auteurs d’une tribune publiée en mars dernier dans les pages du Monde ne disaient pas autre chose, eux selon qui « l’inactivité physique, la sédentarité et la malbouffe construisent un tsunami sanitaire ». Que faire, alors, pour protéger les populations – et singulièrement les plus jeunes générations – de cette véritable déferlante de gras et de sucre dans leur alimentation ? Plusieurs pistes sont à l’étude, avec des résultats pour le moins mitigés, si l’on en juge par l’augmentation exponentielle des problèmes de santé liés au surpoids. La plus répandue, à défaut d’être la plus consensuelle, consisterait à améliorer encore et toujours l’étiquetage alimentaire. Certes, le Nutriscore existe depuis plusieurs années, mais sa généralisation à l’échelle européenne se heurte à un mur de critiques diverses et variées : simpliste, l’algorithme du label classant les aliments de A/Vert à E/Rouge ignore, par exemple, la présence d’additifs (colorants, conservateurs, édulcorants, etc.) dans les produits évalués, de même qu’il ne prend pas en compte le degré de transformation de ces mêmes produits.
Uniquement apposé sur les produits emballés, le Nutriscore défavorise aussi lourdement les produits traditionnels comme le fromage ou la charcuterie, alors qu’il peut donner la meilleure note à des frites industrielles ou à du soda light. Autant d’aberrations qui, régulièrement pointées du doigt, pourraient bien signer l’arrêt de mort du fameux label, qui semblerait sur le point d’être définitivement écarté par les autorités européennes : afin d’ « éviter la polarisation du débat », une haute responsable de la Commission européenne aurait indiqué cet automne que Bruxelles envisagerait de renoncer purement et simplement à généraliser le Nutriscore.
Si la piste d’un label alimentaire commun semble donc écartée, celle d’une interdiction de la publicité pour les produits trop gras ou trop sucrés serait-elle plus efficace ? C’est du moins ce que suggère une expérimentation menée à Londres où, depuis 2019, la municipalité a tout bonnement interdit l’affichage de telles publicités dans les lieux publics.
Résultat : près de 100 000 personnes obèses en moins en douze mois, selon les experts du National Health Service (NHS) britannique. Une diminution substantielle qui, si ses causes nécessiteraient d’être étudiées de plus près, tendrait à confirmer l’impact déterminant de la publicité sur nos comportements alimentaires. A moins que l’ultime solution ne provienne encore et toujours du porte-monnaie des consommateurs : des voix s’élèvent ainsi à intervalle régulier pour réclamer l’instauration de nouvelles taxes sur la malbouffe. Des pistes pour l’heure rejetées en France mais expérimentées dans des pays aussi divers que le Danemark ou le Mexique, avec des résultats contrastés : au Danemark, les autorités ont par exemple décidé de mettre un terme à l’expérience, les consommateurs ayant tendance à acheter les produits surtaxés dans les pays voisins. Face à l’obésité et à la malbouffe, l’éducation des enfants – en particulier à l’école – semble être la meilleure arme.