La vague de colère sociale qui traverse le pays est une nouvelle occasion pour une partie de l’opinion d’entonner une antienne qui a la vie dure : les grandes entreprises seraient en partie responsables des malheurs de la France. Plusieurs indicateurs montrent qu’au contraire, elles contribuent largement à la prospérité nationale.
L’attaque est classique. A chaque période de tension sociale, il est de bon ton de s’en prendre aux « gros », réunis derrière le qualificatif volontiers infamant de CAC40. L’accusation revient régulièrement dans la bouche de plusieurs figures des gilets jaunes, à l’unisson de certains dirigeants politiques. Il y a deux ans, Jean-Luc Mélenchon prétendait encore que les entreprises du CAC étaient imposées à 8% quand les PME l’étaient à 30%.
Cette idée reçue démentie par les faits traduit une vision répandue selon laquelle les entreprises les plus performantes contribuent insuffisamment au partage de la richesse nationale. Quand elles ne font pas tout pour s’en exonérer. S’il n’est pas question ici de rentrer dans le débat sur le niveau de fiscalité, encore moins de nier certaines pratiques d’évasion fiscale, tout porte à croire que la contribution de ces entreprises au bien-être collectif est en réalité sous-estimée.
Les bénéfices du CAC40 profitent plus à l’Etat qu’aux actionnaires
Au début de l’année, une étude d’Oxfam très médiatisée dénonçait le niveau indécent des bénéfices redistribués aux actionnaires par les entreprises du CAC. Or une étude récente de l’institut Molinari, un think-tank économique qui ne cache pas ses idées libérales, est venue apporter un éclairage différent. Selon les calculs de ses auteurs, les bénéficiaires des résultats du CAC40 sont avant tout… les États, avec 53 % des bénéfices avant impôts, suivis des actionnaires (41 %) et des salariés (6 %).
De quoi conforter ceux qui défendent un soutien plus affirmé des pouvoirs publics aux grands groupes, au nom du bien commun. C’est le cas de René Ricol, fondateur avec Jean-Charles de Lasteyrie et Gilles de Courcel de « Ricol et Lasteyrie » et spécialiste de l’évaluation financière. Pour lui, « ce sont les grands groupes qui captent l’essentiel de la croissance mondiale, l’essentiel de la richesse. L’équation est claire : plus on a de grands groupes, mieux on se porte. Les politiques ne peuvent pas sauver le pays sans eux. Il est temps de faire un grand deal avec eux, de collaborer, pour inciter ces grands groupes à ramener de la croissance. »
Les grandes entreprises assument de plus en plus leur rôle dans la création de valeur à l’échelle nationale
Les entreprises aussi ont bien compris, eu égard au climat social, la nécessité de contrer certaines idées reçues. Certaines d’entre elles jouent désormais le jeu de la transparence citoyenne en communiquant davantage sur leur contribution à la santé économique et sociale du pays.
Dans les rapports accompagnant la publication de leurs résultats 2018, trois figures de proue du capitalisme français, LVMH, Total et L’Oréal, ont choisi de valoriser quelques chiffres parlants, en plus des initiatives habituelles en matière de RSE. Ainsi, le géant pétrolier a indiqué avoir consacré 40% de la valeur ajoutée générée sur les huit dernières années aux investissements, ensuite aux salaires distribués aux employés (24%), puis aux impôts payés aux différents Etats dans lesquels il opère (20%). Devant les dividendes versées aux actionnaires, qui ont atteint 16% sur la même période. Pour sa part, LVMH a rappelé qu’il payait la moitié de son impôt total en France alors qu’il n’y réalise que 10% de son chiffre d’affaires.
Autre tendance à laquelle l’affaire Carlos Ghosn n’est sans doute pas étrangère : celle des grands patrons à communiquer sur le niveau des impôts qu’ils payent en France. « Bien sûr que nous payons nos impôts en France, à deux ou trois exceptions près de patrons installés à l’étranger », a ainsi déclaré sur BFM Laurent Burelle, PDG de Plastic Omnium et président de l’Afep, qui rassemble les 100 plus grandes entreprises françaises. « Nous ne sommes pas des tricheurs, on aime notre pays, on aime nos entreprises. »
A cela, il faut ajouter tout ce qui n’est pas quantifiable. Notamment les initiatives de philanthropie et de mécénat qui contribuent au dynamisme culturel du pays. Le succès de l’exposition croisée Basquiat Schiele, organisée à l’initiative de la Fondation Louis-Vuitton en est une illustration parmi d’autres.