L’Académie française a dévoilé, le jeudi 14 novembre, le quatrième et dernier tome de la neuvième édition de son célèbre dictionnaire. Elle y intègre de nouveaux mots témoignant des évolutions sociétales, comme zadisme, wokisme et vibromasseur. Mais d’autres termes manquent à l’appel, et cette version serait déjà dépassée.
L’Académie française a dévoilé, le jeudi 14 novembre, la 9e édition de son célèbre dictionnaire qui consacre les usages de la langue de Molière. Elle clôture ainsi un travail de près de 40 ans, commencé en 1986. Le dernier dictionnaire datait de 1935. Cette nouvelle version a été divisée en tomes, définis par des lettres : de A à Enz entre 1986 et 1992, de Eoc à Map entre 1992 et 2000, de Maq à Quo entre 2000 et 2011, et de R à Zzz entre 2011 et 2024.
L’Académie française intègre les mots à la mode
L’institution assure que ce nouvel opus est le « miroir d’une époque qui court de 1950 à nos jours ». Au total 21.000 nouveaux mots ont été ajoutés, dont certains provenant de langues étrangères comme « realpolitik », « risotto », « top model », « sushi » ou le « yassa », un mets de la cuisine ouest-africaine. On y trouve aussi des mots déjà largement répandus comme « rince-doigts », « silicone », « ukulélé », « rocambolesque », « rembobiner », « rancard » ou encore « super-héros ».
On peut ajouter à cette liste « wax », « sapeur », « sofa », « rigoler », « soda », « zouk », « thriller », « tableur », « rétrovirus » et « speech ». Il y a en outre des mots dans l’air du temps comme « vegan », « sororité », « télétravail », « wokisme », slam », « recyclable » et « zadiste ». Ce dernier mot est défini comme « un militant qui, pour empêcher la réalisation d’un projet d’aménagement prévu dans un lieu donné, occupe illégalement ce dernier avec ou sans violence ». Il vient de ZAD, Zone à détruire.
De la féminisation de certains noms métiers et de fonctions officielles
Pour ce qui concerne le « wokisme », l’Académie française écrit qu’il s’agit « d’une idéologie ou d’un courant de pensée né aux États-Unis dans les années 2000, qui prône l’éveil des consciences aux inégalités structurant les sociétés occidentales, et privilégie la lutte contre les discriminations notamment de nature raciste, sexiste et homophobe ». On note enfin que les Immortels ont concrétisé la féminisation de certains noms de métiers et de fonctions officielles dans leur nouveau dictionnaire. Comme « Viticultrice » pour le féminin de « Viticulteur » et « Soigneuse » pour celui de « Soigneur ».
L’Académie française refuse toute détermination autoritaire de la langue
Dans un communiqué de presse, l’Académie française explique qu’elle s’est toujours « opposée à toute détermination autoritaire de la langue ». C’est pourquoi, elle « intègre ces évolutions de l’usage, répondant ainsi au désir légitime des individus de mettre en accord leur appellation avec leur identité propre ». Pourtant, l’institution a longtemps été considérée comme conservatrice, refusant toute évolution de la langue française en accord avec son temps. Il a fallu une bataille féroce de Hélène Carrère d’Encausse, sa secrétaire perpétuelle de 1999 à 2023, pour faire bouger les lignes.
L’institution a fait sa petite révolution en 2019
Grâce à la seule femme qui l’a dirigée à ce jour, l’Académie française a adopté, en 2019, le rapport sur la féminisation des noms de métiers, fonctions, titres et grades. « Autrice » ou « auteure » ont ainsi fait leur entrée dans les usages, tout comme « inspectrice », « auditrice », « conseillère », « maîtresse de conférences », « première ministre », etc. Cependant, des titres comme « cheffe » et « écrivaine » ont toujours du mal à s’imposer. Si certains domaines s’ouvrent à la féminisation comme l’Armée (« caporale », « sergente », «adjudante»), d’autres tels que la justice font de la résistance (« notaire », « huissier de justice », « commissaire-priseur », sauf (« avocat »).
Un neuvième dictionnaire déjà dépassé ?
L’Académie française dit travailler déjà sur la 10e édition de son dictionnaire. Celle-ci devrait inclure les mots comme « vlog », « tiktokeur », « grossophobie », « cluster », « upcycling », « transidentité », « racisé », « émoji », « écoanxiété », « metaverse » ou encore « mégenrer ». Autant de mot déjà dans l’usage, mais que les Immortels refusent toujours d’anoblir. Cette lenteur ferait d’elle une institution rétrograde, selon certains. Son nouveau dictionnaire serait même déjà dépassé. Mais l’Académie française ne se perdrait-elle pas si elle doit retenir tous les mots inventés au quotidien par la Gen Z sur les réseaux sociaux et dans la rue ?