Un peu plus d’un siècle après la fin de la construction de la basilique du Sacré-Cœur de Montmartre, la procédure permettant de protéger l’édifice religieux vient d’être lancée.
C’est l’un des monuments les plus emblématiques de la capitale qui va être reconnu enfin à sa juste valeur : la commission régionale du patrimoine et de l’architecture d’Île-de-France a voté l’inscription du Sacré-Cœur aux monuments historiques. « Un événement » pour la ministre de la Culture Roselyne Bachelot.
« Le Sacré-Cœur est l’un des symboles de Paris. Il est l’édifice le plus visité de la capitale depuis que Notre-Dame est convalescente. Mais aussi étonnant que cela soit, il n’est pas protégé au titre des monuments historiques », explique Laurent Roturier, directeur régional des affaires culturelles d’Île-de-France, sur le site web de la Direction régionale des affaires culturelles (DRAC) d’Île-de-France.
Comment expliquer que la basilique du Sacré-coeur ne bénéficiait pas jusque là de la protection de la puissance publique avec le titre de « monument historique » ? Achevée en 1923, la basilique souffrait d’abord d’« un certain mépris pour le XIXe siècle et les grandes églises démonstratives de la rechristianisation », selon Alexandre Gady, spécialiste de l’architecture du XIXe siècle interrogé dans La Croix.
Un mépris, voire même une défiance qui plongeait aussi ses racines dans son histoire tumultueuse, associée à la répression de la Commune de Paris en 1871, comme un symbole de la victoire des versaillais sur les communards. Une image quelque peu injuste, puisque le projet de basilique a été formulé plusieurs mois avant les événements tragiques, dans les semaines qui ont suivi la défaite de 1870 contre la Prusse, dans une volonté de retour a un ordre moral et spirituel.
Une basilique à l’Histoire d’autant plus tourmentée qu’elle a été bâtie durant une IIIe République marquée d’anticléricalisme, et avec un style architectural, le style « romano byzantin » longtemps considéré comme grossier.
Ce projet intervient alors que la basilique a fêté l’an dernier le centième anniversaire de sa consécration. Aujourd’hui, le monument est visité par près de 11 millions de touristes chaque année, ce qui en fait le deuxième lieu le plus visité de la capitale après Notre-Dame de Paris, et devant le Louvre et la tour Eiffel.
Un engagement de l’État pour le Sacré-Cœur
Cette inscription sur la liste des monuments historiques a été annoncée lors d’une conférence de presse organisée à la préfecture de Paris en présence de la ministre de la Culture Roselyne Bachelot, du préfet Marc Guillaume, et du recteur de la basilique, le Père Stéphane Esclef. Un soutien affiché de l’État bienvenu sur ces questions patrimoniales. Pour Roselyne Bachelot, les querelles mémorielles autour de la basilique « sont derrière nous, mais ont retardé le processus de protection ».
Pour éviter toute polémique, la mairie de Paris a néanmoins tenu à ce que les abords du Sacré-Cœur soient eux aussi protégés. Outre la basilique elle-même, le parvis qui domine Paris à 130 mètres de hauteur (point culminant de la capitale), les escaliers qui serpentent le long de la butte Montmartre, ainsi que le square Louise-Michel attenant, seront eux aussi inscrits au titre des monuments historiques.
À court terme, est-ce que cela aura un impact sur le Sacré-Cœur ? La basilique est bien conservée, mais à long terme, l’inscription au registre des « monuments historiques » permettra au site de bénéficier de subventions de l’État en cas de travaux de restauration. Enfin est surtout, cette inscription est une protection : un bien inscrit sur la liste des monuments historiques ne peut plus être détruit, même partiellement, sans l’accord du ministre de la Culture. Toute modification par travaux est soumise au regard de l’État et doit être menée sous la supervision d’un architecte en chef des monuments historiques (ACMH) ou d’un architecte du patrimoine.
Une garantie que le monument ne soit pas défiguré par les modes architecturales ou les lubies politiques des uns et des autres.