Après avoir analysé les données de 6 147 scénarios de films, et après les avoir filtrées à l’aide d’une série d’algorithmes, des chercheurs britanniques ont identifié la trame d’un film qui garantirait un succès au Box-Office.
Six groupes de profils émotionnels différents
Cela pourrait clairement changer la donne, tant pour les producteurs de films que pour le grand public, a déclaré Ganna Pogrebna, professeure d’économie comportementale et de sciences des données à l’Université de Birmingham, qui a dirigé l’équipe de recherche. « Nous savons que lorsque nous parlons de production cinématographique, c’est un petit groupe de personnes qui prend des décisions pour les téléspectateurs. Nous essayons essentiellement d’écouter le téléspectateur, de voir ce qu’il veut vraiment.»
Les scientifiques ont alors classé les films selon différents profils émotionnels, méthode qui était auparavant appliquée à des romans. Six groupes de scénarios se dégagent :
- Une ascension émotionnelle continue avec le modèle « de la pauvreté à la richesse » que l’on retrouve dans des films comme Les Évadés (1994), ou encore Un jour sans fin (1993) ;
- Une chute émotionnelle continue où les héros passent « de la richesse à la pauvreté » comme dans les films Psycho ou Love Story ;
- Une chute suivie d’une ascension avec le modèle « man in the hole » (le héros au fond du trou) comme dans Le Parrain ou Les Infiltrés ;
- Le modèle « Icare » représenté par une ascension suivie d’une chute comme dans Un long dimanche de fiançailles ;
- Le modèle « Cendrillon » avec une ascension suivie d’une chute puis d’une autre ascension que l’on retrouve dans Spider Man 2 ou Babe ;
- Le modèle « Oedipe » caractérisé par une chute, suivie d’une ascension et d’une chute comme dans Tout sur ma mère
La victoire du modèle « man in the hole »
Suite à la définition de ces modèles, ils ont ensuite cartographié les trames scénaristiques qui ont connu le plus de succès au box-office, dans 21 genres différents. L’analyse a montré que les films suivant le modèle du « man in the hole » étaient les films les plus réussis financièrement, et dans tous les genres. Ils ont coûté en moyenne 40,5 millions de dollars de production pour un gain moyennant 54,9 millions de dollars. Seulement voilà, ces films ne sont pourtant pas les plus appréciés.
Selon ces scientifiques, les résultats de l’étude sont multidimensionnels. Par exemple, les films suivant un scénario où les héros passent de la richesse à la pauvreté pourraient avoir un succès financier s’ils étaient épiques et réalisés avec un budget énorme, comme la série des Batman, de Christopher Nolan. A contrario, les films suivant le modèle d’Icare auront plus de succès avec un petit budget.
Ne pas tuer l’industrie cinématographique
L’équipe de scientifiques insiste bien sur un point, cette étude ne vise pas à influencer plus que ça l’industrie du cinéma. À aucun moment ils ne conseillent aux producteurs de se limiter au modèle « Man in the hole ». « Nous n’essayons pas de tuer l’industrie cinématographique, nous essayons de voir ce qui réussit » précise Ganna Pogrebna.
Pogrebna espère toutefois que la recherche académique aidera les sociétés cinématographiques à être plus créatives, car si elles savent ce qui connaîtra un succès commercial, cela pourrait leur donner la sécurité et l’envie d’élargir leur portefeuille pour produire des films plus expérimentaux. « Je ne vois pas cela comme une limite, cela pourrait permettre aux entreprises d’être plus inventives » appuie-t-elle.
Il sera donc intéressant d’observer, dans les années à venir, si les différentes trames de scénarios vont évoluer et s’il y aura des surprises qui sortiront des six modèles classiques énumérés plus haut. En attendant, à vous de jouer, vous verrez certainement votre prochain film avec un œil plus scientifique !
*La recherche a été publiée par la Cornell University Library et s’intitule : The data science of Hollywood : Using Emotional Arcs of Movies to Drive Business Model Innovation in Entertainment Industries.