Le défilé demeure pour l’industrie de la mode et du luxe un événement incontournable. Mais depuis plusieurs années, les différentes maisons de couture se sont lancées dans une course en avant vers l’originalité pour se différencier et imprimer dans l’imaginaire collectif leur capacité à innover. Depuis plusieurs mois, la crise sanitaire et le confinement mondial ont encore accéléré cette dynamique, poussant les différentes marques à repousser toujours plus loin les limites de l’innovation. Ce dimanche 6 décembre, Balenciaga a ainsi affolé les rédactions « mode » du monde entier avec un défilé en réalité en augmentée.
C’était probablement l’effet recherché : en proposant à une poignée d’élus la possibilité d’assister à son défilé en réalité virtuelle, Balenciaga a frappé un grand coup médiatique. Il faut reconnaître que c’est devenu une tradition dans cette maison de couture fondée par Cristóbal Balenciaga en 1917, qui s’amuse depuis de nombreuses années à jouer avec les codes en proposant des podiums insolites et des mises en scène originales.
Cette année n’aura pas dérogé à la règle avec un défilé entièrement virtuel, où une poignée de journalistes et de professionnels du secteur ont pu recevoir à leur domicile un casque de réalité virtuelle muni d’un QR code. Et dimanche à 14 h, le défilé virtuel pu commencer sous les yeux des « invités », tous installés confortablement chez eux, un masque vissé sur le nez.
Dès les premières images diffusées sur internet, on retrouve la « patte » de Balenciaga, jouant avec les codes de la culture populaire et du quotidien, dans un mélange d’extravagance et d’absurde. Des mannequins en image de synthèse défilant avec des tenues où la laine et le polyester ont laissé place aux pixels. « La limite de l’exercice réside évidemment dans le fait qu’on ne voit pas les tenues en vrai, que la qualité de l’image ne permet pas encore de rentrer dans le détail du textile », précise d’ailleurs le Figaro dans ses colonnes.
Un show en deux parties, puisque les possesseurs du casque peuvent ensuite naviguer dans un univers de jeu vidéo, incarnant et croisant des personnages entièrement désignés par la marque.
C’est probablement très amusant, de là à dire que c’est intéressant, le doute est permis. Et pour la beauté, il faudra sans nul doute faire une mise à jour, voire changer de console : la marque continue de s’entretenir dans un imaginaire faussement cool, pensant trouver de la subversion là où il n’y a que la pâle imitation du prêt-à-porter bas de gamme.
Car si l’inspiration de tout créateur passe nécessairement par une observation et une reproduction de l’environnement quotidien, exacerber les traits les plus laids de nos sociétés urbaines occidentales, ce n’est pas soulager notre regard qui en aurait pourtant bien besoin. On rajoutera d’ailleurs que cette démarche consistant à imaginer une quelconque originalité dans la reproduction caricaturée d’une culture jeune, geek ou « freaks » est quelque peu ringarde. Gênant comme un soixantenaire en jeans troué et lunettes flashy s’amusant à faire le petit chien avec un filtre snapchat : on a envie de dire « Ok Boomer ».
Mais l’essentiel est sauf : une fois de plus cette année, le défilé Balenciaga restera dans les mémoires.