Le monde de la LegalTech, en plein boom, intéresse aujourd’hui particulièrement les conseils d’administration et les directions juridiques, dont la conversion aux outils numériques permet de multiples gains : de temps, d’efficacité et d’argent.
Numérisation des ressources juridiques ; aide à la décision grâce à des algorithmes ; réduction des coûts dans les conseils d’administration. Qui a dit que métiers du droit et technologies n’allaient pas de soi ? Pour sa troisième édition, qui s’est tenue les 27 et 28 novembre à la Cité des Sciences de Paris, le Village de la LegalTech a une fois de plus réuni spécialistes de la loi et professionnels de l’innovation, autour d’ateliers, d’expositions et autres conférences, dans le but de développer un peu plus le marché du « droit 2.0 ». Ou comment traduire l’une des disciplines les plus anciennes de notre ère avec les codes d’aujourd’hui – et de demain.
Pendant deux jours, les jeans et baskets ont déambulé à côté des pantalons de costume, à travers les quelque 70 stands d’exposants venus présenter leurs solutions pour un « monde juridique numérique ». Et, surtout, tenter de surfer sur le succès de l’édition précédente : « L’année 2017 a été un tournant dans l’économie des LegalTech », précisait ainsi en décembre dernier le Village de la Justice – premier média des professions du droit –, co-organisateur de l’événement avec l’association OpenLaw – qui réunit les acteurs de l’innovation ouverte en droit.
« Une aide à la décision »
« Un tournant », puisque si « les professions du droit intègrent [aujourd’hui] de plus en plus l’idée que le monde du droit a changé », le rapprochement des deux mondes ne s’est pas fait en un claquement de doigts. Par manque de temps, de moyens ou, tout simplement d’intérêt, les juges, avocats et autres fonctions juridiques, ont refusé, dans un premier temps, de se convertir au numérique, pour se focaliser sur leur cœur de métier. « Nos élèves magistrats ont d’abord besoin d’apprendre leur métier pour être capable de l’exercer dans 31 mois, avant de se projeter dans un futur qui n’est pas encore immédiat », expliquait ainsi Olivier Leurent, le directeur de l’Ecole nationale de la magistrature (ENM), en septembre dernier.
Pourtant, face à l’essor considérable du digital ces dernières années, tout le secteur a bien été obligé d’évoluer. Ou, du moins, d’initier une réflexion sur le sujet. Ceci pour répondre aux attentes des citoyens – donc des clients –, de plus en plus familiers avec les outils numériques, réclamant toujours plus d’efficacité et de rapidité. Sans compter que ce changement de paradigme était devenu nécessaire, la profession n’ayant pas évolué, dans ses méthodes de travail, depuis une vingtaine d’années. Si bien que, petit à petit, « des peurs et des angoisses, on est passé à du plus concret. La notion de braconnier du droit a été remplacée par la co-construction », expliquait Melik Boudemagh, consultant en innovation au sein de l’agence Hercule, peu après l’édition 2017 du Village de la LegalTech.
Attention, toutefois, à ce que les intérêts de la profession ne soient pas engloutis par les éventuels excès du numérique. En matière de « justice prédictive », par exemple – qui vise à accélérer le règlement des litiges en améliorant la prévisibilité des décisions de justice – « l’accès au juge et les principes du procès équitable doivent rester la règle » affirmait Jean-Marc Sauvé, le vice-président du Conseil d’Etat, en février dernier. Olivier Leurent, le directeur de l’ENM, lui embraye le pas : « L’open data et les outils de justice prédictive apporteront une aide à la décision », à condition que l’ « appréciation individualisée » reste la norme. Ceci en raison, bien évidemment, du caractère fondamentalement humain de la justice.
Chez les entreprises, les LegalTech bientôt la norme ?
Outre ce domaine, particulièrement sensible, il en est d’autres qui se convertissent de plus en plus au numérique. Comme, par exemple, les directions juridiques et les conseils d’administration, au sein desquels il n’est pas rare d’avoir recours à tout un tas d’outils digitaux. La fonction première des LegalTech étant de permettre une gestion efficiente des données en entreprise, toujours plus nombreuses, alors que les juristes en interne sont parfois en nombre trop limité pour ce faire. Automatisation de certaines tâches, mise en réseau de plusieurs professionnels, réactivité décuplée : les entreprises ont compris l’intérêt de ces « start-up du droit » et des solutions qu’elles leur apportent.
Atos, géant français et international des services numériques (ESN) a par exemple décidé de convertir sa direction juridique à la révolution digitale en cours en organisant son événement « Idéation Sprint ». Le but ? Mettre « l’expérience utilisateur au cœur de ce projet [et utiliser] des méthodes de design favorisant la créativité et l’innovation », explique Alexandre Menais, vice-président exécutif d’Atos. L’ESN a notamment recours à une des solutions de DiliTrust, un éditeur de solutions dématérialisées tricolore, qui peaufine et propose depuis plus de 20 ans ses réponses à la problématique « gouvernance 2.0 » pour les juristes d’entreprise, mais aussi pour les secrétaires de conseil. Dans une tribune à L’Opinion, Yves Garagnon, le CEO de DiliTrust avance : « Il s’agit d’améliorer l’aspect pratique de ces réunions, en éliminant par exemple les frais de messagers, de déplacement des membres et en réduisant drastiquement le temps de préparation. Pour, en fin de compte, limiter les coûts des conseils d’administration ».
Le 11 octobre dernier avait d’ailleurs lieu, comme tous les ans, l’événement « DiliTrust Conférence », au Pavillon Kléber à Paris, ciblé sur la gouvernance d’entreprise et en partenariat avec l’Association française des juristes d’entreprises (AFJE). Où étaient présents, entre autres, grandes entreprises, ETI mais aussi fonds d’investissement et représentants du monde numérique.
La révolution digitale a encore de beaux jours devant elle.