Numériser les œuvres d’art permet de leur conférer une forme d’éternité, tout en promouvant un nouvel élan artistique.
Une tragédie pour l’Histoire de l’Homme. « Une perte incalculable », pour le président brésilien Michel Temer. Dans la nuit du 2 au 3 septembre, un spectaculaire incendie a ravagé le Musée national de Rio. En quelques instants, plus de 20 millions de pièces, parfois uniques au monde, sont parties en fumée. Ce drame a cruellement rappelé à tout un chacun que l’art et la culture ne sont pas éternels. Si tout doit être mis en œuvre pour éviter pareil événement, la numérisation des œuvres est aussi une solution, permettant de les sauver de l’oubli et, pourquoi pas, de réinventer leur approche.
Google Arts Projects : numériser pour préserver
Petite révolution dans le monde feutré de l’art. En 2011, Google lance Google Art Project, une plateforme rassemblant, dès l’année suivante, quelque 32 000 œuvres d’art issues de plus de 150 musées de par le monde. Chacune des œuvres est numérisée en 3D, ce qui permet à l’internaute ou à l’utilisateur d’un téléphone mobile de visionner les tableaux, sculptures et installations de son choix en haute – voire en très haute – définition. En somme, si vous ne pouvez aller au musée, c’est le musée qui s’invite chez vous.
Pour le directeur du projet, Amit Sood, Google Art Project – aujourd’hui renommé Google Art & Culture – doit permettre « une interaction innovante du public avec l’art ». Il espère également « qu’il incitera à aller visiter réellement les lieux », la plateforme virtuelle n’ayant pas vocation à se substituer à une confrontation physique avec les œuvres. C’est cet argument qui a séduit tant d’institutions muséales, chacune étant libre d’intégrer au catalogue de Google les pièces de son choix, comme par exemple des œuvres stockées dans des réserves ou des espaces inaccessibles au public.
Google Art Project, en support de l’art classique
Artify, la start-up française qui veut réconcilier culture et art numérique
Le géant de Mountain View le démontre avec éclat : le numérique s’impose en vecteur de préservation de l’art. Mais le digital ne peut-il pas être aussi moteur d’un nouvel élan artistique ? C’est le défi auquel s’attelle une start-up française, Artify. Fondée par deux anciens élèves d’école de commerce, Simon Cau (directeur artistique) et Christophe Roux (CEO), la jeune pousse est spécialisée dans la mise en valeur de l’art grâce à ce que les deux entrepreneurs appellent des « écrins digitaux » : des écrans ultra haute définition, à la finition mate garantissant une exceptionnelle qualité de restitution.
A partir d’un cloud en ligne – l’Artothèque –, les clients d’Artify – services tertiaires, professionnels du tourisme et collectivités territoriales – se constituent une collection entièrement personnalisée et offrent ainsi une nouvelle vie à leurs locaux. Nouant des partenariats avec de nombreux musées et galeries – qui perçoivent une commission de 10% sur chaque œuvre « exposée » –, les dirigeants d’Artify l’assurent : « Nous ne voulons pas remplacer l’oeuvre réelle, nous sommes complémentaires ».
L’Atelier des lumières et son exposition d’art numérique sur Klint
Signe de l’intérêt que suscite la démarche, Artify a intégré en 2017 la troisième promotion de la « Nurserie », l’incubateur de start-up du groupe Audiens, qui soutient les projets innovants dans les domaines de la communication, de la culture et des médias. Le groupe, partenaire et référent social des professionnels du secteur en assurance, prévention et retraite complémentaire, organise également chaque année le Prix Audiens de l’Initiative numérique culture, qui récompense des projets digitaux innovants.
Numériser pour favoriser la culture pour tous
Le numérique sauvera-t-il dès lors les œuvres d’art des flammes…et du désintérêt du public ? Jean-Paul Cluzel, président jusqu’en janvier 2016 de la Réunion des musées nationaux (RMN) et du Grand Palais, en est persuadé. Si « rien ne remplace l’expérience de voir une peinture dans sa (…) texture », les outils numériques ne poussent pas les visiteurs à bouder les musées ; au contraire, ils rendent l’art plus populaire. « Ce sont deux expériences complémentaires. (…) L’expérience dans les salles d’exposition (…) et Internet se confortent les uns les autres », conclut Jean-Paul Cluzel.