Alors que ce jeudi 8 octobre, un débat parlementaire prévoit d’allonger la durée d’accès à l’IVG de 12 à 14 semaines de grossesse, un sondage IFOP révèle qu’une large part des français voient l’avortement comme un drame à éviter.
Chaque année en France, 232 000 avortements sont pratiqués, contre 753 000 naissances. Plus de deux naissances sur dix sont ainsi volontairement interrompues. Un chiffre important, sur lequel les français demeurent extrêmement divisés : 51% des personnes interrogées (52% en 2016) jugent cette situation « préoccupante car avorter reste un acte que l’on préférerait éviter », tandis que 49% (48% en 2016) jugent la situation « normale car avorter est un acte auquel les femmes peuvent être exposées au cours de leur vie ».
Une fracture profonde dans la société française, qui rappelle à quel point le sujet demeure explosif et militant. Cependant, les français semblent s’accorder sur l’impact psychologique de l’avortement : 92% des français considèrent qu’«un avortement laisse des traces psychologiques difficiles à vivre pour les femmes», contre 89% en 2016. Seule une minorité persiste à affirmer que l’avortement est un acte anodin.
Caroline Roux, la déléguée générale de l’association « Alliance Vita » à l’origine du sondage, commente ces résultats dans les colonnes du Figaro : « Au fur et à mesure des années, cela confirme que le ressenti des Français est bien que l’avortement laisse des traces psychologiques, ce qui contredit ce que le gouvernement affirme sur son site officiel d’information sur l’IVG ».
Quelles solutions ?
Quelles solutions dans ce cas ? Renouant avec l’esprit de la loi Weil qui prévoyait que l’avortement soient « une exception, l’ultime recours pour des situations sans issues » pour lutter contre les avortements clandestins, la plupart des français sont favorables à un soutien beaucoup plus appuyé aux femmes, en amont. En effet, 73% (72% en 2016) des personnes interrogées pensent que « la société devrait davantage aider les femmes à éviter le recours à l’Interruption volontaire de grossesse (IVG)».
La France demeure une nation record en nombre d’avortement par habitant : en 2019, la France était le quatrième pays du continent européen derrière la Russie, la Suède et l’Estonie, avec une moyenne de 14,6 avortements pour 1000 femmes. À titre de comparaison, des pays comme l’Allemagne ou la Suisse atteignent des taux deux à trois fois moins important. Une situation sur laquelle le sondage interroge les français, 88% d’entre eux étant favorable à la mise en place d’une « véritable prévention de l’avortement » en conduisant « une étude pour analyser les causes, les conditions et les conséquences de l’avortement ». Mieux comprendre le choix de ces femmes, pour éviter des drames ?
Cependant et pour rappel, depuis l’autorisation des IVG par voie médicamenteuse, en 2001, le nombre d’avortements chirurgicaux est en baisse constante. En 2019, 70 % des IVG ont été pratiquées de façon médicamenteuse, contre 30 % en 2001.
Le projet de loi présenté à l’Assemblée nationale par deux députées écologiste et ex-LREM, vise à allonger le délai légal d’accès à l’IVG de 12 à 14 semaines de grossesse. Un allongement loin d’être anecdotique. Dans la Croix, le professeur Israël Nisand alerte que cette mesure pourrait même être contre-productive pour les femmes :« Je suis un militant de l’IVG de la première heure, mais suis fermement opposé à cet allongement. Il passerait par un geste à la fois plus dangereux pour les patientes et psychologiquement lourd pour les médecins. Et en cas d’allongement, au moins un tiers des gynécologues cesseraient de pratiquer des avortements. Ce qui aurait un effet inverse de celui recherché. »
En effet, dans son dernier communiqué de presse, le Collège National des Gynécologues et Obstétriciens Français (CNGOF), s’oppose à cette durée d’allongement, arguant que les conditions d’un avortement aussi tardif pourraient désormais rebuter bon nombre de professionnels a pratiquer l’IVG. En effet, à partir de la 13ème semaine, « le fœtus développe le sens du toucher, devient sensible aux attentions de ses parents » selon l’avocat Erwan Morhedec et « la tête du foetus est ossifiée, il faut l’écraser ». Une dimension traumatisante pour les médecins chargés de pratiquer ces IVG, qui fait craindre au CNGOF « un risque majeur de déstabiliser le système de soin ».
A contrario, plusieurs associations militantes pour les droits des femmes soulignent que le délai des douze semaines reste insuffisant à cause des inégalités territoriales d’accès à l’IVG (hôpitaux surchargés, difficultés à accéder à l’offre de soins nécessaire…) et les refus répétés de prises en charge tardives (au-delà de dix semaines). Une extension défendue demain au Parlement.