Un projet gigantesque, coûteux et inutile, à l’heure où le monde de la culture peine à réunir des fonds pour sauvegarder son patrimoine : le projet de rénovation du Grand Palais, très critiqué depuis son annonce en 2018, a définitivement été enterré par la ministre de la Culture pour Roselyne Bachelot. Une excellente nouvelle.
« J’ai trouvé un dossier épais comme un bottin, sur ma table, le jour de mon arrivée, Je me suis rendue sur place mi-juillet, et j’ai compris que si le Grand Palais voulait être prêt pour la tenue des Jeux olympiques de 2024, et si on ne voulait pas finir avec un immense dérapage financier, il fallait repartir d’un autre pied ». Véritable « dossier chaud » du Ministère de la Culture depuis plusieurs mois, Roselyne Bachelot a donc tranché : le Grand Palais ne serait pas rénové, mais restauré. Exit les architectes coûteux épris de gigantisme, place aux restaurateurs, soucieux de préserver ce joyau du style « beaux-arts » qui plaît tant à la rédaction de Métropolitaine.
Ce samedi 26 septembre, le ministère de la Culture a donc mis fin à des semaines de bruits de couloirs : le projet de « restauration et d’aménagement » du Grand Palais, mené par le cabinet d’architectes Local Architectures Network (LAN), est officiellement abandonné.
Pour rappel, ce projet architectural prévoyait de modifier en profondeur la structure interne et externe du bâtiment pour transformer le lieu en « machine à culture ». Une démarche qui n’enchante guère, tant le calme et les grands espaces du Grand Palais font partie de son charme. De plus, la capitale est déjà largement — trop — fournie en « machines à culture », lieux de passage engorgés pour visiteurs ballonnés (nous pensons malheureusement au Louvre).
Conçu en 2013, le projet de rénovation prévoyait de transformer le Grand Palais, construit pour l’exposition universelle de 1900 et aujourd’hui morcelé entre différents espaces et activités (Palais de la découverte, Galeries nationales, nef centrale, restaurant…), en détruisant les galeries en surplomb, en rendant les toits accessibles, en traçant une rue traversante, en ouvrant des boutiques… L’objectif affiché : pouvoir accueillir jusqu’à 4 millions de visiteurs par an, contre moins de 3 millions aujourd’hui.
Volte-face de l’État
Dès les années 1990, la question d’une rénovation en profondeur du colossal monument (9000 tonnes d’acier, 72 000 m² de surface) est devenu un sujet de préoccupation des pouvoirs publics. Et si une première salve de travaux a eu lieu entre 2001 et 2005, le Président du Grand Palais Jean-Paul Cluzel convainc Frédéric Mitterrand en 2011 de faire « tabla rasa » et de transformer entièrement le lieu. Un concours d’architecte sera alors lancé, remporté en 2013 par Local Architectures Network avec ce projet de rénovation pharaonique.
Un projet rapidement critiqué pour son impact sur le patrimoine du Grand Palais, mais aussi pour son coût : évalué à 455 millions d’euros à l’origine, il est estimé à plus de 500 millions aujourd’hui. Une facture salée pour des travaux colossaux, qui prévoyaient notamment de creuser des sous-sols et d’extraire 56 000 mètres cubes de terre pour créer des galeries marchandes. Finalement, le retard pris sur le chantier lors du confinement (les travaux devaient être finis pour 2024) a eu raison du projet. Définitivement enterré, c’est finalement une restauration en douceur qui sera mise en place pour sauver le bâtiment, victime de la vétusté du temps.
« On est en train de changer de paradigme. Peut-être que l’époque des grands projets, c’est fini, et peut-être que c’est nécessaire… » déclare dans le Monde François Chatillon, l’architecte en chef des monuments historiques chargé du Grand Palais. Une excellente nouvelle.