Une nouvelle étude de l’association Générations futures tire l’alarme : l’eau du robinet consommée en France n’est pas exempte de polluants chimiques, majoritairement issus de pratiques agricoles. Pour écarter tout danger, les pédiatres recommandent aux parents de jeunes enfants de recourir à l’eau minérale.
« Des pesticides perturbateurs endocriniens cancérigènes, mutagènes et reprotoxiques dans l’eau du robinet en France en 2019 » : c’est le titre, inquiétant, d’un rapport rendu public le 17 juin par l’association de défense de l’environnement Générations futures. Selon ses auteurs, qui ont fait appel à un ingénieur spécialisé dans le traitement des données pour analyser quelque 12 millions d’analyses de laboratoires menées l’année dernière à la demande des autorités, l’eau du robinet de la quasi-totalité des départements français contient des substances chimiques potentiellement dangereuses pour la santé.
Des résultats inquiétants
Atrazine, simazine, métolachlore (une substance pourtant interdite dans l’Hexagone depuis…2003) : inconnus du grand public, près de 200 produits phytosanitaires ont été décelés au moins une fois dans l’eau que nous buvons tous les jours. Selon le rapport, plus de 6 000 quantifications sont considérées comme cancérigènes, mutagènes et reprotoxiques (CMR) par l’Union européenne (UE), plus de 9 000 sont suspectées d’être des perturbateurs endocriniens (PE), et plus de 12 000 cumuleraient ces deux propriétés.
« Dans l’ensemble, ce travail est excellent et fait un petit peu peur », souligne dans les pages du Monde l’endocrinologue Barbara Demeneix, du Muséum d’histoire naturelle, qui s’avoue « surprise par le nombre d’herbicides interdits depuis des années que l’on retrouve encore ». Pour la scientifique, s’exprimant cette fois sur les ondes de France Culture, si les niveaux relevés dans l’eau courante française restent faibles et en deçà des seuils officiellement tolérés par les autorités, il est « ridicule de parler d’effet de seuil parce que les perturbateurs endocriniens peuvent agir à des faibles doses ».
Quels dangers pour les bébés et jeunes enfants ?
Si le seuil de dangerosité n’est officiellement pas atteint, le doute et l’inquiétude persistent. Dès lors, faut-il avoir peur de boire l’eau du robinet ? Quels effets les diverses substances contenues dans le liquide peuvent-elles avoir sur la santé des consommateurs et notamment les enfants ? « Les pesticides sont des perturbateurs endocriniens, particulièrement dangereux pour les organismes en développement – qu’il s’agisse d’un embryon, d’un fœtus, d’un enfant ou d’un ado », alerte le toxicologue Xavier Coumoul, parlant, chez la femme enceinte et son bébé, de « risques de fausses couches, de malformations congénitales, de leucémies et de tumeurs cérébrales ».
Pour son confrère épidémiologiste Luc Multigner, « les conséquences d’un usage domestique courant des pesticides ou de l’exposition via les eaux de consommation et les denrées alimentaires sont encore mal connues ». « Certaines recherches pointent des risques, en particulier chez les femmes enceintes et les jeunes enfants, mais les conclusions restent incertaines », estime encore le spécialiste qui, se voulant rassurant, fustige « un déferlement médiatique particulièrement angoissant qui ne reflète pas la réalité scientifique ».
Les pédiatres recommandent l’eau en bouteille
En matière d’eau du robinet, une seule chose semble donc sûre : l’incertitude demeure. Raison pour laquelle les pédiatres recommandent généralement aux parents de jeunes enfants de recourir à l’eau minérale, issue de nappes souterraines, naturellement saine et dépourvue de microbes ou de nitrates. L’eau de source convient également, à la condition expresse que son emballage mentionne qu’elle « convient pour la préparation des aliments pour nourrissons ». Quand on sait qu’un bébé a besoin de trois à quatre fois plus d’eau par kilos de poids qu’un adulte, tout en disposant de fonctions corporelles moins développées, l’eau minérale s’impose donc sans hésitation.