Remarques sexistes en direct, gestes inappropriés envers certaines invitées, sous-représentation des femmes pendant les heures de grande écoute, les critiques portées sur la place des femmes à la télévision se multiplient. Pourtant, au niveau de la représentativité des femmes notamment, des progrès sont à signaler, même si beaucoup reste encore à faire.
Représentativité des femmes : où en sommes-nous ?
Le nombre de femmes à la télévision, notamment aux heures de grande écoute, est un indicateur pertinent pour percevoir l’évolution des pratiques. Chaque année, le CSA rend son rapport annuel sur la représentation des femmes à la télévision et à la radio. En 2018, le taux de femmes présentes à la télévision était évalué à environ 42 %. Alors, où en sont les grands groupes français de l’audiovisuel ?
Au niveau des groupes privés déjà, le groupe Canal (Canal+, Cnews, Cstar, C8) pointe à seulement 37,75 % de femmes représentées à la télévision, contre 45,5 % pour France Médias Monde (France 24 et RFI) ou encore 42 % pour le groupe M6 (6ter, FunRadio, M6, Paris Première, RTL, W9). Résultats mitigés pour le groupe TF1, qui pointe à 40,4 % de femmes. Très loin derrière, NextRadioTV (BFMTV, RMC…) fait figure de mauvais élève avec une représentation de 28,25 % de femmes. Malheureusement sans surprise, la chaîne l’Équipe (groupe Amaury) arrive en bonne dernière position, avec seulement 11 % de femmes représentées à l’antenne. Un ratio qui témoigne des clichés qui perdurent sur la place des femmes dans le sport.
Le plus grand groupe de service public français, France Télévisions, est un peu en dessous de la moyenne, avec 41 % de femmes représentées. Mais le groupe revient de très loin. En effet, la représentation des femmes n’était, quatre ans auparavant, que de 13 %. La meilleure représentativité des femmes sur l’audiovisuel public a été l’un des grands combats de Delphine Ernotte, présidente du groupe depuis 2015. En novembre 2019, elle s’est ainsi engagée à mettre en place des quotas de réalisatrices dès 2020 et à instaurer des « référents harcèlement sexuel » sur les tournages de fiction. Une mesure destinée à répondre à la surreprésentation des hommes parmi les auteurs-réalisateurs de séries qui, en France, représentent 82 % de la profession. Delphine Ernotte espère aussi généraliser ce type de quotas à d’autres types de métiers, comme les directeurs d’écriture ou encore les scénaristes.
Et les expertes ?
La représentativité des profils expertes est aussi particulièrement scrutée par le CSA. Au niveau des groupes privés, les résultats ne sont guère reluisants. Canal est à 31 % sur les deux chaînes qui font appel à des experts (Canal + et CNEWS), tandis que M6 tourne autour de 27,5 % sur les chaînes M6, RTL, W9 et Paris Première. Résultats médiocres également pour France Médias Monde, avec 32 % d’expertes invitées sur France 24 et RFI. Sur ce plan, le service public s’en sort le mieux. France Télévisions invite ainsi 42,6 % d’expertes sur les différentes chaînes du groupe.
En finir avec les clichés sexistes sur le petit écran
Les émissions de divertissement les plus connues et les plus plébiscitées par un public de pré-adolescents très influençables sont particulièrement visées par le CSA. Clichés sexistes, femmes perçues comme superficielles et érotisées à l’extrême, certaines émissions de téléréalité sont en roue libre. Les Marseillais VS Le reste du monde, Les Anges de la téléréalité ou encore Koh-Lanta contribuent à forger une vision biaisée des femmes. Dans son dernier rapport, le Haut Conseil à l’Égalité étrille la téléréalité en évoquant, entre autres, « un idéal de virilité symbolique » et une « culture de la virilité ». La représentation des corps est aussi un facteur d’inquiétude tant les femmes sont affichées en bikini, en talons aiguilles ou encore en peignoir transparent « dans des contextes qui ne s’y prêtent pas ordinairement » comme le… petit-déjeuner. Les caractères accolés aux garçons demeurent empreints d’un idéal viriliste, ces derniers étant tour à tour présentés comme « déterminés », « courageux » ou, pour les pires d’entre eux, « sanguins ». En revanche, les femmes sont « jalouses », « commères » et très promptes à « faire des histoires ». Idem sur les clichés socioprofessionnels. Dans ces émissions, les femmes sont majoritairement serveuses, danseuses ou n’exercent pas d’activité professionnelle. Les dégâts sur les esprits des jeunes Français sont, logiquement, désastreux.
Une situation qui peut être améliorée
Si la situation n’est pas brillante, tout indique qu’une transformation profonde du paysage télévisuel français est possible. Les progrès réalisés sur les chaînes du groupe France Télévision montrent qu’une politique volontariste, imposant si nécessaire des quotas, peut entraîner des progrès notables sur nos écrans. C’est d’ailleurs une des recommandations préconisées par le Haut Conseil pour l’Égalité qui souhaite « inscrire dans le cahier des charges du Service public un objectif de femmes réalisatrices et de femmes dans les métiers techniques de l’audiovisuel, de l’ordre de 30 % en 2022 puis 40 % d’ici 5 ans ». Face au sexisme dans la téléréalité, le HCE préconise aussi une grille d’engagement de la part des producteurs d’émissions de téléréalité afin de mieux intégrer les cadres fixés par le CSA. Autre mesure préconisée, conditionner les financements publics de certaines créations télévisuelles au respect de la dignité de la femme.