Le 1er mars, les PME dévoilaient les résultats de leur index de l’égalité femmes-hommes. Pour les entreprises de plus de 1 000 salariés, qui ont été les premières à se prêter à l’exercice en mars 2019, l’heure est plutôt à l’actualisation. Et aux premiers bilans.
Les statistiques de l’Insee étaient sans équivoque en 2018 : avec, par exemple, des femmes cadres dirigeantes payées en moyenne 25% de moins que leurs collègues masculins, l’urgence était de mise. Résultat, Muriel Pénicaud, ministre du Travail, mettait dans la foulée en place un index de l’égalité professionnelle dans le cadre de la loi « Avenir professionnel ».
Le but ? Évaluer objectivement les inégalités entre les femmes et les hommes dans les entreprises afin de mieux les supprimer. Le barème, qui prend la forme d’une note sur 100, mesure 5 grands critères : l’écart de rémunération femmes-hommes (40 points), l’écart des répartitions des augmentations individuelles (20 points), l’écart de répartition des promotions (15 points), mais aussi le nombre de salariées augmentées à leur retour de congé maternité (15 points), et la présence de femmes parmi les plus gros salaires de l’entreprise (10 points).
La dynamique est lancée
Jeudi 5 mars, le ministère du Travail a dévoilé les résultats des entreprises de plus de 1 000 salariés. Si 19 d’entre elles sont restées en dessous de la note de 75, le bilan est toutefois largement positif selon Muriel Pénicaud : « La dynamique est lancée. La note globale moyenne des grandes entreprises est passée de 83 à 87. C’est encourageant. Cela change déjà la vie des femmes, mais il y a encore beaucoup à faire ».
Certaines entreprises frôlent ainsi les sommets. C’est le cas d’Orange qui affiche une note de 99. Un résultat que l’entreprise attribue à l’engagement de ses salariés et de ses managers. « Ceci nous encourage à poursuivre cette dynamique dans la durée » a déclaré Valérie Le Boulanger, Directrice Exécutive des Ressources Humaines du Groupe Orange. Coca-Cola France fait presque aussi bien, avec un score de 98 points, en progression de 16 points par rapport à l’année dernière. Le Groupe EDF améliore aussi sa performance cette année, avec 95 points contre 80 points pour l’édition précédente. L’électricien s’était fixé comme ambition d’atteindre le seuil de 90 points dès la seconde année d’exercice en s’attachant notamment à garantir un examen systématique des situations des salariées au retour d’un congé maternité ou adoption. Pari réussi donc. « Nous pouvons être fiers du chemin parcouru depuis 20 ans en faveur de la mixité et l’égalité professionnelle. Si l’égalité de rémunération constitue l’un des fondements de cet équilibre, cette dimension embarque d’autres enjeux aussi importants : l’égalité des chances dans les parcours professionnels, un meilleur équilibre des temps de vie, une féminisation des métiers techniques…» a réagi Christophe Carval, DRH EDF.
L’épineuse question du salaire
Si la plupart des entreprises étaient déjà mobilisées sur le sujet de l’égalité professionnelle, la publication des résultats de leur index a eu l’effet d’un accélérateur. Sur la question sensible de la part des femmes dans les hauts salaires, Caroline Le Bayon, responsable du développement des compétences chez Naval Group, reconnaît que l’index a déclenché des actions : « Nous sommes conscients du problème et nous avons décidé d’imposer des femmes dans les plans de succession de tous nos comités de direction ». Franck Cheron, associé chez Deloitte, souligne cet effort récent dans de nombreuses entreprises : « Le focus est mis sur les postes de direction avec des rattrapages salariaux, des promotions et des formations en interne pour sensibiliser les managers aux enjeux ».
La part des femmes dans les hauts salaires reste un des points faibles au sein des entreprises. Les ressources humaines en sont conscientes. « On ne trouve peu ou pas de femmes dans les plus hauts salaires, car il y a très peu de femmes dans les instances dirigeantes. Grâce à cet index, tout le monde prend conscience que c’est un vrai sujet » admet Jean-Michel Dedôme, directeur du développement et de l’animation des Richesses Humaines chez VINCI Energies France.
Changement de culture
Les données mises en avant par l’index poussent aussi les femmes à accepter l’idée qu’elles peuvent prétendre à des promotions et des augmentations légitimes, ce qui n’était pas toujours le cas avant. Une étude menée par le cabinet Robert Walters révélait en effet que 63% des hommes en 2020 prévoyaient de demander une augmentation, contre seulement 52% des femmes.
« Nous devons transformer notre culture pour que chaque manager se dise qu’il y a peut-être une femme qui n’a pas postulé mais qui est plus compétente que l’homme l’ayant fait. Cet index nous secoue et nous fait prendre conscience d’un travail énorme à effectuer pour faire grandir les femmes dans nos entreprises et dans nos organisations » analyse Jean-Michel Dedôme.
Et ce d’autant plus qu’au delà du caractère légal de l’index, il tend à devenir un vrai facteur d’attractivité pour l‘employeur. « L’index vient valider nos pratiques et nous y voyons un réel intérêt essentiellement pour l’attractivité de notre marque employeur » reconnaît Laurence Chrétien, directrice des ressources humaines de Schmidt. Les chasseurs de tête sont conscients que pour recruter de nouveaux talents, un index élevé est un argument de poids pour convaincre les femmes de plus en plus sensibles à la question de leur place dans l’entreprise.