Avec pour objectif la neutralité carbone, les grandes entreprises ont désormais mesuré l’enjeu du changement climatique dans leur gouvernance. Et ce sont notamment des femmes qui portent cette problématique de la stratégie bas carbone et de l’engagement des sociétés contre le réchauffement climatique.
Une lutte qui va du producteur au consommateur
En France, la loi de transition énergétique pour la croissance verte oblige les entreprises à publier leur empreinte carbone, parmi les éléments de leur rapport RSE. Un reporting qui incite les acteurs économiques à prendre en compte le climat dans leur stratégie. Et ils sont plutôt réceptifs à cette question : en amont du One Planet Summit de Paris en 2017, les grandes sociétés avaient adhéré à un objectif de neutralité carbone à l’horizon 2050. Pour y parvenir, deux modalités sont importantes : d’abord la réduction au maximum des émissions de gaz à effet de serre, ensuite la compensation des émissions restantes via des projets de soutien ou de restauration des milieux naturels.
Un rapport de 2019 édité par le Carbon Disclosure Project, consacré aux habitudes de consommation, pointe la prise de conscience par les entreprises des nécessités inhérentes à cet objectif de neutralité. 90% des 16 multinationales interrogées (dans le domaine des cosmétiques et de l’agro-alimentaire) mesurent leurs émissions de CO2 jusqu’au Scope 3, en auditant notamment leurs fournisseurs sur ce point. Les consommateurs ont aussi acté cette composante dans leurs achats : la demande est de plus en plus forte concernant la réduction des emballages, l’achat de produits ayant un circuit plus court et la prise en compte des contraintes sociales et environnementales. Dans les deux secteurs, on note quelques tendances fortes, comme l’abandon progressif des substances pétrochimiques dans les cosmétiques, ou la place plus importante prise par les produits non carnés dans l’agroalimentaire, l’élevage étant un émetteur conséquent de CO2.
Quelques pistes pour une transition vers le bas carbone
Un monde décarboné d’ici 2050 est envisageable, à condition que les grands acteurs économiques soient ambitieux. L’étude du Carbon Disclosure Project rapporte que bon nombre de multinationales du panel n’ont pas réussi à développer des initiatives bas carbone durant les cinq dernières années. Mais des stratégies climat peuvent être adoptées pour rapidement inverser la courbe d’émission de gaz à effet de serre. Une feuille de route nationale, la Stratégie Nationale Bas-Carbone (SNBC) indique les pistes à suivre pour diminuer de 40% les émissions d’ici 2030. Elle indique notamment les « budgets carbones » que les sociétés ont le « droit » de dépenser chaque année.
La SBNC donne aussi, par secteur, les pistes de transition à adopter. Ainsi, elle fait la part belle au passage à des modes de transports de moins en moins polluants, à des bâtiments avec une meilleure isolation thermique, à une économie circulaire concernant la réutilisation et la réparation des produits, à une collecte des déchets optimisée, à une maîtrise de la demande en matière énergétique, où la place du renouvelable doit s’imposer. Elle insiste également sur l’intensification de la recherche et du développement en matière de technologies réduisant les émissions résiduelles et de procédé de fabrication bas-carbone. Au-delà du reporting carbone, la réalisation de diagnostics à l’échelle de l’entreprise et la construction d’une stratégie réaliste de baisse d’émissions de gaz à effet de serre sont donc un enjeu primordial.
Le rôle des femmes dans cet engagement
Le C40, qui réunit des dizaines de grandes villes fédérées contre le dérèglement climatique, organise depuis 3 ans Women4Climate, présidée par Anne Hidalgo. Une initiative dans laquelle des femmes du monde entier, dirigeantes dans le secteur public ou privé, s’engagent. La dernière édition s’est tenue en février 2019 à Paris. Identifiées comme les premières victimes du réchauffement climatique dans nombre de situations, les femmes sont au cœur d’une lutte qui voit désormais des leaders œuvrer dans leurs domaines de compétence à cette noble cause. Pour les dirigeantes d’entreprise participantes à Women4Climate, la mission est importante : elles seront demain des modèles d’engagement auprès des nouvelles générations. Aussi, elles incitent par exemple les jeunes filles à embrasser des carrières leur permettant d’occuper des positions de pouvoir où elles pourront défendre leurs convictions bienveillantes en matière d’environnement. Lors de cette édition, plusieurs dirigeantes ont exprimé leur point de vue sur l’initiative. Directrice de la RSE de L’Oréal, ainsi que de la Fondation L’Oréal, Alexandra Palt a rappelé que l’entreprise cosmétique était partenaire fondateur de Women4Climate et que les dirigeantes de l’entreprise pensaient « que le climat est le sujet le plus important pour que les femmes puissent exercer leur droit au XXIe siècle. ». Même objectif de concilier deux problématiques progressistes chez Citelum, dont Carmen Munoz, la directrice générale, s’explique en ces termes : « Ma présence à Women4Climate était une évidence car je suis engagée depuis longtemps pour la sauvegarde de la planète et le développement des femmes ».
Des actions concrètes qui engagent !
Les femmes entrepreneures du Women4Climate ont témoigné des initiatives et des pratiques courantes de leurs entreprises concernant le passage à une économie décarbonée. Jeune structure, Accenta est ainsi une spécialiste de la performance thermique des bâtiments. Selon la directrice générale, Marine Doquet-Chassaing, son « entreprise s’attaque à la décarbonation par le biais du chauffage et de la climatisation ». « 60% des émissions de carbone des bâtiments proviennent du fait qu’on ait à les réchauffer et à les refroidir », poursuit-elle. La solution choisie par Accenta est l’emploi d’énergies renouvelables, produites l’été, qui permettent de chauffer les bâtiments l’hiver.
De son côté, la société Pandobac, cofondée par deux femmes, s’occupe de modifier la logistique. Elle élabore des bacs réutilisables comme solutions zéro déchet pour le transport professionnel des marchandises entre fournisseurs et restaurants. La jeune dirigeante Anaïs Ryter explique que Women4Climate a un intérêt prescripteur : « Pour pouvoir inspirer plus de femmes, il faut pouvoir mettre beaucoup d’initiatives en avant ».
Dans les grands groupes, la cause environnementale est aussi l’affaire de femmes, comme le montre l’exemple d’EDF, où Véronique Lacour, Directeur Exécutif Groupe Transformation et Efficacité Opérationnelle présente des exemples d’actions de décarbonation mises en œuvre dans les activités internes de l’entreprise : « Nous utilisons des solutions de Green IT et d’intelligence artificielle pour optimiser la consommation d’électricité de nos data center », explique la décideuse. Du côté des salariés, le groupe français propose des aménagements comme le télétravail, qui limitent les déplacements quotidiens. Une problématique de transports moins émetteurs en CO2 qui va de pair avec une autre initiative. « Nous avons engagé la conversion de l’intégralité de notre parc automobile à l’électrique d’ici 2030 », précise Véronique Lacour.
Des femmes engagées dans la lutte contre le réchauffement climatique, des acteurs économiques en pleine métamorphose concernant leur bilan carbone : s’il reste beaucoup à faire, la détermination à décarboner l’économie d’ici 2050 semble sur la bonne voie !