Depuis 1946, les maisons closes sont, selon un pléonasme chère à Arletty ou une décision de justice chère à Marthe Richard, fermées. Elles ont donc disparu du paysage, cependant voilà qu’elles se refont une jeunesse et réouvrent, mais cette fois reconverties en hôtels ou en espaces privatisables.
Inutile donc de demander des prestations particulières. La visite peut tout au plus évoquer quelques fantasmes nourris souvent par des récits et des films. Soixante-dix ans après la loi Marthe Richard, plusieurs maisons parisiennes ont repris du service, et certaines ont tout de même garder des décorations, qui évoquent la période. La plus belle de ces réhabilitations est sans doute celle de la Maison Souquet. A la demande des repreneurs, le décorateur Jacques Garcia a gardé les passages obligatoires et les codes du genre. Ainsi, on retrouve une succession de trois espaces, salon de discussion d’abord, de présentation ensuite, aujourd’hui transformé en bar bien sombre, accessible à la clientèle non-résidente, et enfin le dernier espace appelé le « salon d’après ».
D’autres établissements ont tant bien que mal gardé un peu de la décoration d’époque grâce à de savantes réhabilitations. C’est le cas de « Aux Belles Poules », rue Blondel, qui possède des mosaïques érotiques et des fresques suggestives, chef-d’œuvre de l’Art déco, ses miroirs et son plafond à caissons. Il est d’ailleurs classé « monument historique » depuis 1996.
Pour le reste, il faut bien de l’imagination par exemple pour retrouver au « 10 bis », devenu un hôtel quatre étoiles classique, ouvert à l’été 2016, les frasques et les scandales de l’ancienne maison galante de Lucienne Goldfarb. Celle que l’on a surnommée Katia la Rouquine, son histoire se mêle à de nombreux épisodes peu reluisants, qui vont d’une obscure dénonciation sous l’occupation allemande jusqu’à l’affaire Elf. Cela lui valut un autre surnom de Vidocq en jupons pour sa proximité avec le 36 Quai des Orfèvres, qui lui permit de ne jamais être réellement inquiétée.
Tout ceci peut paraître exotique, tout comme le bois utilisé pour la décoration de ces maisons qui, il faut bien l’avouer, ne brillait pas par leur finesse, malgré les boiseries sculptées, les placages en cuir de Cordoue, le rouge et les dorures, les tableaux et livres évocateurs. Cependant, s’il doit rester quelque chose de ce petit monde, il vaut mieux qu’il reste dans les écrits et le talent de Toulouse-Lautrec, ou d’Anaïs Nin, et quant à « l’atmosphère, atmosphère », laissons cela dans la gueule d’Arletty.
Crédit photo : RasMarley