Le monde compte une nouvelle femme à la tête d’un Etat. Certes, il s’agit d’un petit Etat puisqu’en l’occurrence nous parlons de la cité-État de Singapour. C’est donc Halimah Yacob, qui a été nommée mercredi, première femme présidente de l’histoire ce pays. Petit bémol, elle a bien été nommée, pas élue démocratiquement.
Halimah Yacob, une musulmane et issue de la minorité malaise, n’est pas une inconnue dans le paysage politique de Singapour. Elle fut déjà la première femme, en 2013, à diriger le Parlement.
Son ascension est facilitée par le fait qu’elle appartient au Parti d’Action Populaire. Le PAP dirige le pays sans discontinuité et réelle contestation depuis son indépendance en 1965. Halimah Yacob avait démissionné en août pour être autorisée à se lancer dans la course à la présidentielle.
Un beau parcours pour cette mère de famille de cinq enfants. Elle est issue d’une des minorités singapouriennes, celle des musulmans malais. Notons, que la majorité de la population est chinoise (74 %). Elle profite de la réforme constitutionnelle de 2016, qui permet à des représentants de différentes communautés ethniques d’accéder à la tête de l’État. A 63 ans, elle devient la 8e présidente de Singapour pour un mandat de six ans et première présidente issue d’une communauté étrangère.
Les féministes de tout pays et les autres pourraient s’en réjouir sans retenue. Il y a là un symbole dans une société traditionnellement patriarcale et une concrète avancée du multiculturalisme et de la diversité.
Cependant, toutes ces « avancées » semblent être parfaitement contrôlées, voire initiées par le Parti en place. Cette accession au pouvoir laisse un goût amer dans sa forme, car elle s’est tout simplement obtenue par l’élimination de ses deux principaux rivaux, des hommes d’affaires qui ne remplissaient pas les critères d’éligibilité.
En effet, quel contraste entre Halimah Yacob issue du parti en place et automatiquement qualifiée avec son mandat de députée, et de l’autre côté, deux autres candidats, les hommes d’affaires Salleh Marican et Farid Khan, déclarés finalement inéligibles par les autorités.
Ils n’ont pas pu se présenter, car ils sont issus du secteur privé et ils ne pouvaient attester d’une expérience de trois ans de travail à la tête d’une entreprise dotée d’un capital d’au moins 310 millions d’euros. Les autorités veulent à la tête du pays quelqu’un, qui a fait preuve de sa capacité de gestion et a déjà eu de grosses responsabilités.
En pratique, cela revient à être, soit sorti du moule de la haute administration où règne depuis 52 ans le PAP ou avoir été nommé (sous le contrôle du PAP) à la tête d’une grosse entreprise. Une autre éventualité est d’être très riche. C’est une pratique, qui peut expliquer le règne sans partage du même Parti, dans un pays où la liberté d’expression est de plus, étroitement contrôlée. Les élections n’apparaissent alors que comme pures formalités, dont on peut même se passer apparemment.
Pour sa part, Halimah Yacob ne boude pas son plaisir et déclare, « bien qu’il n’y ait pas eu d’élection, mon engagement de vous servir reste le même ».
Crédit photo : Parliament of Singapore