Noël approche et la poupée une fois encore sera un des jouets les plus vendus au monde. Pourquoi un tel succès ? Ce jouet existe depuis la nuit des temps dans toutes les sociétés pourtant ce phénomène a été peu étudié. Seule la passion de quelques collectionneurs à travers le monde permet de faire avancer ces recherches.
La poupée n’est pas un objet superficiel, il est une mine d’informations tant d’un point de vue archéologique, ethnologique, sociologique que psychanalytique. Comme le souligne dans les cahiers de l’Institut Français d’Education, Michel Manson, historien et Président du Centre d’Etudes et de Recherches sur la poupée (CERP): « la poupée est un objet de recherches multidisciplinaires. Etudier la poupée c’est se lancer dans une formidable aventure scientifique. » Pourtant, malgré l’intérêt du sujet les recherches et les parutions scientifiques sont sommaires. Par exemple, un seul livre vraiment sérieux a été écrit sur le lien psychologique entre l’enfant et la poupée : La poupée, mythe vivant, de Jeanne Danos, et cet ouvrage date de 1964 !
La poupée à travers les âges
Le nom de poupée, du latin puppa signifiant le sein, la mamelle, est apparu au XIIème siècle. Mais l’objet en lui-même est beaucoup plus ancien puisque la plus célèbre découverte est celle d’une figurine trouvée dans une tombe paléolithique de Moravie datant de 25 000 ans avant Jésus-Christ. Cette statuette en ivoire est extraordinaire par sa beauté et par le fait qu’elle était déjà articulée. En effet, selon les archéologues, les membres devaient être reliés au tronc par des lanières de chanvre ou de cuir. Sa petite taille, 13 cm laisse à penser que c’était déjà un jouet d’enfant. Mais malgré les nombreuses découvertes de poupées au paléolithique et au néolithique, les spécialistes se posent encore de multiples questions quant à la signification et à l’utilisation de ces objets. En revanche, la littérature concernant les poupées antiques est beaucoup plus riche et détaillée. Les plus anciens témoignages de poupées utilisées comme jouet par les petites filles proviennent de Grèce, cinq siècles avant Jésus Christ. Au fil du temps ces jouets se sont perfectionnés. Par exemple, les poupées d’époque hellénistique et romaine présentent un corps s’achevant en forme de jupe, dissimulant ainsi la fixation des jambes mobiles. Ces poupées ont été découvertes en grand nombre dans des tombes de petites filles. D’autres ont été trouvées dans des sanctuaires, en effet, à la veille de leur mariage, les futures mariées dédiaient leurs poupées à la déesse Artémis.
Poupée antique, IIIème siècle avant JC. Musée du Louvre
Etrangement entre l’antiquité et le XVème siècle, l’histoire de la poupée n’est plus documentée. Pourtant elle existe toujours, des gravures, des peintures, des écrits témoignent de sa présence mais aucun de ces jouets ne nous est parvenus ni chez les collectionneurs ni dans les musées. Vers les années 1600, la poupée refait son apparition. Les premiers artisans, appelés « poupetiers » apparaissent en Allemagne, en Italie, en Hollande et en France. Ce sont des poupées dont la tête est en papier mâché avec un corps en bois ou en cire. Puis la poupée devient ambassadrice de mode. Paris alors capitale mondiale de l’élégance se lance dans la fabrication de poupées gracieusement et richement vêtues. Au XVIIIème siècle, on observe la naissance de la poupée mannequin avec des têtes en porcelaine et des corps en peau ou en bois.
Poupée Bru, trousseau d’origine Worth, vers 1869-1870. Musée de la poupée à Paris.
Au XIXème siècle, la poupée vécu son âge d’or et, si elle reste ambassadrice de la mode, elle acquiert définitivement son statut de jouet et n’est plus l’apanage de l’aristocratie. Les élégantes coutent encore fort cher mais les poupetiers confectionnent des poupées de chiffon à bas prix. En 1855 nait le premier poupon qui fera la joie de tant de petites filles. Le XXème siècle vit une véritable révolution, avec l’arrivée du plastique. Lors de l’exposition universelle de Londres en 1962, apparait la première poupée en plastique lavable avec des cheveux en nylon. Avec la naissance de la poupée Barbie les années 1960 marquent le plus grand phénomène commercial de l’histoire de la poupée. Symbole de la consommation et de l’american way of life, le succès de Barbie ne s’est jamais démenti.
La fin du XXème siècle est marqué par l’apparition des nouvelles technologies, les poupées sont bardées de microprocesseurs, elles pleurent, rient, font pipi et répondent aux questions des enfants… Quelle sera la poupée de demain ?
La passion des collectionneurs
Si les aficionados de Barbie sont légions, les vrais collectionneurs ne sont pas si nombreux. Pourtant, ce sont eux qui par leur passion permettent de retracer l’histoire de ce mythe vivant qu’est la poupée. Ce sont eux qui permettent de garder une mémoire, un patrimoine riche en symboles d’une civilisation.
En France, il faut saluer Robert Capia qui fut le plus célèbre de ces collectionneurs. Acteur, puis brocanteur, il s’était spécialisé dans les poupées anciennes, jusqu’à devenir un expert reconnu, auteur de plusieurs ouvrages, en 1994, il reçu le prix de l’Académie Française pour son livre : Poupées. Il faut citer également François Thémier, marchand et animateur du Congrès mondial de la Poupée qui dirige depuis 1980 une revue sur la poupée et le jouet ancien : Polichinelle, la Gazette des jeux, jouets, poupées et automates. Aux côtés des plus connus, il y a des collectionneurs qui commencent à compter dans le petit monde de la poupée, comme Larisa Leonidovna Drozdova.
Larisa Leonidovna Drozdova, sexagénaire vivant en France, écume les musées de Paris, Bâle ou Morge en Suisse pour consolider son savoir, déjà très riche, sur les poupées. Larisa Leonidovna Drozdova a su se créer une collection intéressante et tout à fait originale. En effet, sa recherche n’est pas purement esthétique, elle s’intéresse aux poupées qui racontent une histoire spécifique, qui ont du vécu et une symbolique. En témoignent plusieurs pièces maitresses de sa collection qu’elle espère pouvoir bientôt présenter au public dans une galerie.