Des milliers d’opposants au parti islamiste Ennahda, au pouvoir en Tunisie, ont défilé pour la journée de la femme, mardi soir à Tunis. Il s’agissait de célébrer le 57ème anniversaire du Code du Statut Personnel promulgué le 13 août 1956. Avec l’abolition de la polygamie, le remplacement de la répudiation par le divorce judiciaire ou la possibilité d’ouvrir un compte bancaire sans le consentement du père ou de l’époux, ces lois progressistes avaient constituées une avancée très importante pour la condition des femmes dans le monde arabo-musulman.
Des lois que les manifestants entendent aujourd’hui défendre. Alors que la crise politique secoue toujours le pays depuis l’assassinat du député d’opposition Mohamed Brahmi, le 25 juillet dernier, les opposants cherchent à obtenir la démission du gouvernement dominé par les islamistes.
«On veut qu’Ennahda dégage»
Dans le défilé, les slogans politiques se mêlent aux revendications féministes. «Aujourd’hui tout se mélange» sourit Amel, une femme au foyer de 47 ans. «On veut qu’Ennahda dégage, on est là contre le terrorisme, contre les assassinats politiques». «Mais nous sommes également ici pour conserver nos droits, nos acquis. On était les pionnières dans le monde arabe et aujourd’hui on sent que la situation se dégrade», complète Mayssoun, son amie, médecin de 32 ans.
«C’est une journée qui devait être une fête, pourtant c’est un jour de colère et de revendications», lâche Najoua Makhlouf, coordinatrice de la commission des femmes travailleuses de l’UGTT, la puissante centrale syndicale du pays. «Nos acquis sont menacés, les agressions verbales et physiques augmentent. Nous voulons que nos droits soient inscrits dans la Constitution pour les protéger», argumente-t-elle.
Beaucoup accusent les islamistes au pouvoir de vouloir revenir sur les acquis. Récemment Ennahda a tenté d’inscrire le principe de «complémentarité» des sexes dans le projet de Constitution. Face au tollé populaire, ce principe a finalement été supprimé. Mais le brouillon de la Constitution ne mentionne toujours pas explicitement l’égalité hommes-femmes.
«Aujourd’hui on veut me voler mon vote»
Avenue Habib Bourguiba, quelques centaines de sympathisants (et de sympathisantes) d’Ennahda se sont rassemblés. Pour célébrer également la journée de la femme. Un drapeau rouge et blanc en guise de tapis de prière, une poignée d’hommes s’est agenouillé au milieu de la rue. Les femmes, elles, ont scandé de nombreux chants nationalistes et patriotiques. «Je suis ici pour la journée de la femme bien sûr mais surtout pour réussir notre révolution et nos droits. C’est important pour nous, les femmes musulmanes voilées, nous devons garantir notre foi !» explique en souriant Wafa, une mère au foyer de 53 ans. Sonia Touati, elle ne porte pas le foulard, mais elle est là pour soutenir le parti au pouvoir. Cette employée dans l’administration âgée de 50 ans a voté pour la toute première fois en octobre 2011 pour les premières élections libres du pays. «Nous avons élu un parti pour nous gouverner. Ces gens dans la rue appelle à la chute du gouvernement, aujourd’hui on veut me voler mon vote !» s’agace-t-elle.